[LE CHEMIN DE LA PETITE SOURCE ET DE L’EAU VIVE]
A-t-on jamais songé à lire les lignes des montagnes
comme les lignes de la main ?
Georges Séféris
le chemin de la petite source et de l’eau vive court
s’alentit rampe dans la montagne
sur dizaines centaines de mètres voire kilomètres
l’eau roule dans les béals
larges à peine comme le fer de pioche
profond comme la dent du pic forgé au hameau
l’eau va au plus bas de sa pente
dans la terre trop perméable parfois
qu’alors on guide : troncs d’arbres abattus
creusés bout à bout
tuiles canal d’argile formées
sur des cuisses de femmes
tuiles cuites du four communal
posées en gouttières écailles superposées
de pierres fendues sorte d’aqueduc
plus tard – dira l’archéologue amateur
on trouvera des poteries habiles
canalisations vernissées
entubées l’une dans l’autre à peu près étanches…
qu’importe là où ces ex-migrants se sont posés
SDF du moyen et bas âge sans archives
sans écrit ni trace autre qu’importe
ces gouverneurs de la rosée
d’où ils venaient qui ils étaient
ces gens de non-guerre et naguère
ces gens de peu
débouche en cœur du hameau
bondit en fontaine communale
emplit l’abreuvoir aux bestiaux
le lavoir des lavandières
déborde d’un grand bassin d’une citerne
rigole d’eau blanche dans le pré verger
d’autrefois :
si l’eau veut elle arrose encore
le potager primeur
des pionniers malconnus dans l’âge montagnard
Daniel Biga, Alimentation générale, Éditions Unes, 2014, pp. 32-33. Vignette de couverture de Daniel Nadaud.
DANIEL BIGA
Ph. © Michel Durigneux
Source
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions L’Amourier) une bio-bibliographie de Daniel Biga (+ une présentation de Daniel Biga par François Heusbourg)
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