La hulotte et le métro

Publié le 07 juin 2014 par Rolandbosquet

        Entre le RER, le bus et le métro, soit une bonne heure de transports en commun, comment trouver le temps, le goût et l’envie d’écouter les petits oiseaux qui chantent, de s’émerveiller de la course de l’écureuil dans les arbres, d’admirer la splendide robe au blanc immaculé de la fleur de la pivoine ou de contempler simplement les reflets orangés des pavots de Californie jaillis entre les anfractuosités du trottoir ? Les gens sérieux ont bien autre chose à faire ! Le train du monde n’attend pas. Il galope, il bondit, il enjambe, il s’envole vers une destination qu’il ne connaît pas lui-même. Mais qui ne saute pas sur le marchepied lorsqu’il entre en gare est définitivement distancé, écarté, abandonné. Condamné à errer sans fin dans le "no mens land" des perdants de la vie moderne. Les histoires de pie un peu voyeuse qui raconte le drame d’un couple de martins-pêcheurs dont la couvée vient d’être détruite par un visiteur humain indélicat n’intéressent personne. Pas plus que les folles odyssées d’une musaraigne étrusque pesant à peine deux grammes pour trois centimètres de longueur. Quant à la hulotte qui vit dans les bois, ne sort que la nuit et vole sans plus de bruit que la plume portée par la brise, on l’ignore définitivement. Quand l’homme s’embroche et s’entretue un peu partout sur la planète pour quelques dollars, quelques arpents ou quelques brins de gloire, comment se captiver pour ce que les benêts béats appellent la nature ? Et pourtant ! Depuis 1972, un doux dingue un peu hurluberlu s’entête près deux fois par an à publier l’irrégulomadaire le plus lu dans les terriers : "La Hulotte". Ses 150000 abonnés répartis dans plus de 70 pays attendent tous avec impatience de voir surgir le facteur devant leur tanière pour leur remettre le dernier numéro de la vie des bêtes et des plantes. Depuis les écoles primaires jusqu’au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, ils vont être exaucés. Le centième numéro a précisément invité la musaraigne étrusque et le martin-pêcheur dont il rapporte les aventures quotidiennes avec son approche scientifique habituelle, des dessins clairs et instructifs et beaucoup d’humour. À travers ces personnages par ailleurs attachants, le message de Pierre Déom est clair : « Chaussez vos bottes, sortez de votre cocon infecté de métaux lourds, de colles, de poussières et d’odeurs artificielles et émerveillez-vous de l’incroyable diversité de la vie qui vous entoure. N’attendez pas. La nature se dégrade à vue d’œil ! » Une folle expédition que le vieux bougon pratique chaque jour dans son courtil blotti au fond de sa vallée perdue au cœur des Monts mais qui peut se préparer utilement pour les néophytes avec cette revue construite et animée dans la rigueur et la passion. Ce qui démontre que le monde pourrait tourner un peu moins de guingois si chacun portait un plus d’attention à tout ce qui y vit. (La Hulotte / par abonnement uniquement / 8 rue de l’Église CS 700002 08240 Boult aux Bois / Lahulotte.fr)

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