Berthe,
Je reprends enfin le fil de notre correspondance. Il faut dire qu'entre des nœuds administratifs à défaire, des jours de paresse estivale et ma première mammo de contrôle, j'ai eu du mal à retrouver mes stylos.
Bref.
Trois semaines après ma dernière chimio, soit mi-novembre, j'ai commencé les séances de radiothérapie en compagnie du docteur F. aux mains toujours fraîches.
Phase 1 : la toile est encore blanche
Après la désormais classique consultation/palpation mammaire (d'où l'importance des mains fraîches), je suis allée faire une sorte de scanner pour numériser mon corps en 3D. Il s'agit de repérer précisément la zone à bombarder de rayons et de prendre différentes mesures. C'est un peu la mise en place du peintre qui pose sa toile blanche sur son chevalet.
En l'occurrence, la toile c'est moi (certes, un peu arrangée sur le dessin qui suit) :
Phase 2 : dessin d'étude
Une fois la toile en place, le peintre-médecin fait ses premiers repérages en apposant cinq points (les fameux micro-tatouages) à l'encre noire : 1 de chaque côté des côtes, 2 en bas et 1 en haut de mon sein droit (le malade en fait).Je m'estime chanceuse car mes poins sont à l'encre noire. D'autres ont droit à des verts ou des rouges, bien moins faciles à faire passer pour des grains de beauté. Comme j'en suis parsemée - de grains de beauté - mes points se fondent plutôt bien dans la masse : une vraie coccinelle !
Phase 3 : composition du tableau
L'étape suivante est carrément moins discrète esthétiquement. Pour délimiter précisément la zone d'intervention, des lignes sont tracées au feutre. Autant te dire que j'ai bien fait de ne pas mettre mes sous-vêtements et mon t-shirt favoris car le feutre a tendance à s'incruster partout…La composition du tableau est achevée. Il ne reste plus qu'à attendre le planning détaillé des séances à venir.Dans mon cas, il y en aura 30, du lundi au vendredi à compter du 13 novembre. Les rendez-vous sont fixés à 11h20 et ma salle d'attente est verte ; la couleur de l'espoir, ça me plaît bien.
Phase 4 : le tableau prend forme
Chaque jour, je me rends à la clinique et me déshabille pour ma séance de rayons. Je m'installe et dois rester immobile comme le ferait un modèle posant pour un artiste. On repasse du feutre sur les traits de repérage, l'appareil vient sur ma gauche, bombarde mon sein, passe à droite et le bombarde de nouveau. Tout ça ne dure en fait que quelques secondes.A mi-parcours, le champ d'intervention est un peu réduit pour éviter une irritation sous le sein. Les dernières séances sont quant à elles concentrées autour de ma cicatrice.Durant ces cinq semaines, je troque ma lingerie habituelle pour des soutien-gorges en coton sans armatures et m'arrange pour porter des vêtements qui couvrent mes nouveaux dessins corporels. Le 100% coton est mon nouvel allié pour protéger ma peau maltraitée des éventuelles irritations.Heureusement que nous approchons de l'hiver.Quelques jours avant Noël, j'apprends que ma dernière séance aura lieu le 26 décembre. Je ne pouvais pas rêver à meilleur cadeau pour la fin d'année !
Phase 5 : mise en couleur ; la toile est achevée
Une semaine avant la fin de la radiothérapie, ma peau se colore de tons rouges ; un peu comme si j'avais pris un coup de soleil mais hyper localisé. N'ayant ni démangeaison insupportable ni douleur, je décide de prendre mon mal en patience et de ne rien appliquer sur ma peau. J'attendrai la fin des rayons pour me badigeonner de crème et d'huile d'amande douce. Autres symptômes déconcertants : mon sein droit est plus gros (en fait il est un peu gonflé) et plus haut que l'autre ! Il est temps que les séances prennent fin sinon je ressemblerai d'ici peu à un Picasso…
Nous sommes le 26 décembre, mon corps ressemble à un Mondrian mais les traitementssont terminés !!!