Alors que les élections européennes sont passées, notre spécialiste en religion a voulu s'exprimer sur la "crise européenne" révélée semble t-il aux dernières élections... Notre séminariste pense que l'Union Européenne doit se recentrer autour de certaines valeurs pour fonctionner de nouveau. Mais à quoi se résume l'âme européenne ?
-Le christianisme est-il un fondement de l'Europe ?-
"Le 9 mai 1957, la signature du traité de Rome par les six pays fondateurs de la communauté européenne donnait naissance à la CEE (Communauté économique européenne), présageant ainsi un avenir de coopération et d’entraide internationale entre des Etats auparavant ennemis. Si l’objectif des pays signataires était de travailler ensemble à la construction d’une entité nouvelle, gage de paix et de stabilité politique sur le Vieux Continent, force est de constater aujourd’hui que l’Europe semble se trouver dans une impasse… En effet, le résultat des dernières élections européennes est significatif : en France comme dans d’autres pays de l’UE (Union européenne), la poussée des partis extrémistes met en exergue un système à bout de souffle, incapable de répondre de façon satisfaisante aux aspirations des peuples. En de nombreux pays, et notamment en France, on entend dire « l’Europe est en panne », quand on ne se désintéresse pas de l’affaire. Il est vrai que l’UE connaît aujourd’hui une crise. Celle-ci vient essentiellement du manque d’unité entre les Etats membres, manque d’unité bien souvent trop flagrant et qui constitue une des principales sources de la faiblesse de l’Europe. Malgré des décennies et des décennies d’effort, les Européens n’ont toujours pas conscience de faire UN. Alors que Robert Schumann, un des « Pères de l’Europe », avait vivement exprimé son désir de voir la communauté européenne se bâtir sur un fondement commun entre les Etats, le Christianisme, nos dirigeants politiques ont souhaité au contraire construire l’Europe uniquement sur des fondements économiques, sur la recherche d’un confort matériel étouffant l’âme des populations. Quant aux racines chrétiennes de notre continent, elles ont soigneusement été mises de côté… Tout au long de son pontificat, et déjà bien avant, le Pape émérite Benoît XVI a rappelé avec force et vigueur l’importance de reconnaître le Christianisme comme « fondement spirituel » de l’Europe. Le souverain pontife, comme d’autres auteurs, a grandement insisté sur la nécessité pour l’UE de trouver un vecteur d’unité entre les peuples. Ce vecteur ne peut être que la religion chrétienne, véritable « âme » de notre terre européenne. Comme saint Jean-Paul II le rappelait dans son livre testament Mémoire et identité, la « dimension verticale » est primordiale dans toute Histoire, et particulièrement dans l’Histoire de l’Europe, dont les philosophes des Lumières se sont éloignés. Alors que parmi les chefs d’Etat ou de gouvernement européens, certains s’expriment désormais publiquement en faveur d’une reconnaissance des racines chrétiennes de leur pays[1], on peut se demander si le Christianisme est réellement l’âme dont l’Europe a besoin pour véritablement parvenir à son unité essentielle. Peut-on affirmer qu’un fondement spirituel reconnu sans complexe est gage de prospérité et d’épanouissement pour l’UE ?
L’Europe, terre chrétienne : une affirmation sujette à bien des débats… Dire aujourd’hui de l’Europe qu’elle est une terre chrétienne semble susciter chez certains de véritables crises d’épilepsie : face à ce genre de réaction, on en viendrait même à penser que le Christianisme n’a jamais été, et ne constitue toujours pas, la religion de la majorité des Européens, que celle-ci n’a guère façonné notre Histoire, nos paysages, notre culture, nos mentalités, etc. Il y là un point de désaccord notable. En effet, à ce propos, on oscille généralement entre deux écueils : le premier consiste à nier purement et simplement les « racines chrétiennes » de l’Europe, comme l’a fait le président Jacques Chirac en 2005 au moment où il était question de rappeler cela dans le Prologue de la Constitution européenne ; le second écueil consiste à reconnaître ces dites racines, comme l’ont récemment concédé Angela Merkel et David Cameron. Dans un débat sur l’immigration en Allemagne, la chancelière allemande a publiquement regretté que le Christianisme ne soit pas assez présent et assumé dans son pays. Quant au Premier ministre britannique, il a officiellement défini, à l’occasion des fêtes de Pâques 2014, son pays comme un pays chrétien[2]. L’Europe est-elle oui ou non une terre chrétienne ? Dans son livre Occident et rencontre des cultures, Stéphane Bürgi, enseignant en sciences politiques et en études religieuses à l’Université de Sherbrooke, au Québec, s’intéresse à cette question. Résumant la pensée de Benoît XVI, l’auteur affirme que la crise identitaire que vit actuellement l’Europe est en grande partie liée au refus de reconnaître le Christianisme comme « fondement spirituel » majeur de l’ensemble des Etats de l’Union. Stéphane Bürgi pense que comme toute crise, celle que nous vivons présentement peut être l’occasion d’un renouveau et, en quelque sorte, nous offre une chance unique : redécouvrir la valeur de notre patrimoine spirituel et sa capacité à nous orienter vers l’avenir. A l’heure de la mondialisation et du brassage des cultures, l’auteur montre comment Benoît XVI a lutté en faveur d’une réaffirmation des racines chrétiennes de l’Occident, et particulièrement de l’Europe. D’après lui, cette réaffirmation ne doit pas être le fruit d’un retour à un certain identitarisme, mais plutôt l’aboutissement d’un dialogue entre les différentes composantes culturelles et spirituelles de l’Occident, notamment la raison sécularisée et la foi chrétienne. L’enjeu de ce dialogue est de permettre aux Occidentaux/Européens de porter un regard neuf sur leur identité. D’autres intellectuels se sont également exprimés en faveur d’une telle reconnaissance : le philosophe Rémi Brague dans son ouvrage Modérément moderne ; le journaliste et essayiste Paul-François Paoli dans Malaise de l’Occident. Dans chacun de ces deux livres, l’auteur pose les questions suivantes : d’où vient l’Europe ? Et où va-t-elle ? Dans les deux cas, on ne fait guère l’économie du fondement spirituel des peuples européens, et de sa nécessaire redécouverte et/ou reconnaissance.
Refuser de reconnaître le terreau chrétien du continent européen est en réalité une obstination intellectuelle malhonnête : c’est tout simplement refuser de concéder la vérité ! Mais il est vrai que bien souvent, dans nos sociétés modernes, la vérité n’est plus tant recherchée… Ce n’est pas pour rien que dans nos manuels d’Histoire, nous avons appris, comme la génération de nos parents, et celle de nos grands-parents, et celle de nos arrières grands-parents, etc., que la naissance de la France coïncidait avec le baptême de Clovis à Reims vers l’an 496. Présentée ainsi, la chose est bien évidemment fort simplifiée, néanmoins, cette simplification en dit long ! Pareillement, la naissance de la plupart des Etats européens coïncide avec une conversion du souverain au Christianisme, d’autant plus que la conversion des souverains entraînait celle du peuple. Dans nos débats contemporains sur l’identité européenne, on aurait tôt fait d’oublier d’évoquer le rôle joué par Charlemagne, ardent promoteur de la foi chrétienne, ciment de l’unité européenne à la suite d’une époque troublée (les invasions). L’avènement de Charlemagne marque un tournant dans l’Histoire de l’Europe : durant les vingt premières années de son règne, le souverain étend son royaume au moyen de la guerre, créant ainsi un véritable Empire, l’Empire carolingien. Dans cette nouvelle entité aux dimensions européennes, Charlemagne réaffirme la primauté de la dimension religieuse et, il fait du Christianisme le trait d’union entre les différents peuples sur lesquels il a autorité. Surtout, Charlemagne favorise le mouvement de la « renaissance carolingienne » en reprenant, renforçant et entretenant le legs littéraire et religieux de l’Antiquité, qui avait trouvé refuge dans les monastères mérovingiens. Dans ce mouvement de renouveau, l’Eglise joue un grand rôle : elle contribue à donner à la civilisation carolingienne tout son éclat. En effet, les clercs, véritables érudits, enseignent des éléments de l’écriture, du calcul et de la musique afin de faciliter l’accès à une vie spirituelle de meilleure qualité. La langue latine est restaurée, devenant pour des siècles la langue de l’administration et des élites européennes. De grands textes classiques sont redécouverts et enseignés. De manière générale, on peut dire que toute la culture médiévale européenne se trouve ainsi en germe dans l’œuvre civilisatrice de Charlemagne, aidé en cela par l’Eglise. En outre, l’unité religieuse de l’Empire, qui s’étend sur une grande partie de l’Europe de l’époque, est liturgiquement assumée par l’adoption du rite romain[3] dans toutes les églises franques. L’empereur a encore fait beaucoup pour unifier son Empire grâce au Christianisme. Sur les conseils du moine Alcuin, Charlemagne a véritablement entrepris de réaliser l’unité de l’Europe en se fondant sur deux éléments essentiels de l’identité : la culture et la foi. Comme nous l’avons évoqué ci-avant, par le renouveau de l’architecture, des lettres, du chant liturgique, naquit une culture européenne/chrétienne, qui favorisa l’union des peuples entre eux (Francs, Anglo-Saxons, Lombards…). « Et tout cela au service d’une ambition : mener les hommes vers la Cité de Dieu. »[4].
Les exemples seraient nombreux dans l’Histoire pour montrer les racines chrétiennes de l’Europe. Rien que le patrimoine architectural du Vieux Continent témoigne de ce passé chrétien glorieux. A l’occasion d’un voyage en République tchèque, le Pape Benoît XVI affirmait « Quand l’Europe écoute l’Histoire du Christianisme, elle entend sa propre Histoire. »[5]. La redécouverte de cette réalité apparaît comme nécessaire à la bonne santé spirituelle et morale de l’Europe, et à son unité politique. Le Christianisme, facteur d’unité de l’Europe Historiquement, la grandeur de l’Europe est indéniablement liée au Christianisme, qui est en quelque sorte « consubstantiel » à son identité[6] : cette idée, Rémi Brague ou encore Paul-François Paoli la développent beaucoup dans chacun de leur ouvrage. Dès lors, nier les racines chrétiennes de l’Europe ne constitue pas seulement une offense à la vérité, mais aussi une menace pour l’avenir du projet européen. D’autant plus que parmi les quatre pères fondateurs de l’Europe (Schumann, Adenauer, De Gasperi et Monnet), les trois premiers étaient des chrétiens convaincus. Mais en quoi la religion chrétienne peut-elle être facteur d’unité entre les peuples européens ?
A sa création dans les années 1950, au cours de l’immédiat après-guerre, le but de la communauté européenne est de favoriser la mise en place d’une entente sincère et véritable entre des Etats auparavant ennemis : il s’agit de mettre fin aux grands carnages des guerres mondiales, qui ont ensanglanté le continent durant la première moitié du XXème siècle. Les Papes ont ensuite accordé une mission plus vaste à ce projet européen. Le Pape Jean XXIII (1958-1963), canonisé il y a très peu de temps, pensait que pour que l’Europe réussite vraiment à se faire, le « réveil spirituel » du Vieux Continent était nécessaire. En 1967, il déclara notamment : « Dieu veuille que du plan matériel l’entente s’étende peu à peu au plan spirituel, et que les âmes se rapprochent, plus encore que les intérêts ou les économies ». Afin de consacrer cet « idéal européen », saint Jean XXIII proclame saint Benoît « père de l’Europe ». Dans le même esprit, bien des années plus tard (1982), le Pape Jean-Paul II, également devenu saint depuis peu, lançait un cri vibrant en faveur du réveil spirituel de l’Europe : « Je lance mon cri d’amour vers toi, vieille Europe. Retrouve-toi toi-même, redécouvre tes origines. Revivifie tes racines ». Et, comme nous l’avons déjà dit, le Pape Benoît XVI a aussi beaucoup œuvré en ce sens, déclarant à son tour en 2006 : « En tenant compte de ses racines chrétiennes, l’Europe sera capable de donner une orientation sûre aux choix de ses citoyens et de ses peuples ». Or, toutes ces déclarations semblent rester lettre morte.
L’essence de la culture européenne se fonde sur un mariage : celui de Jérusalem et d’Athènes. En effet, la culture européenne est née du mariage entre la Révélation[7]judéo-chrétienne et la pensée grecque antique, que beaucoup de chrétiens considèrent comme étant un autre pan de la Révélation. Dans la plupart des écrits, l’Europe, renvoie à une réalité historique remontant à l’Antiquité grecque, ainsi qu’à une réalité géographique s’étendant de l’Atlantique à l’Oural. Un autre terme, celui d’ « Occident », renvoie davantage pour sa part à cette partie de l’Europe chrétienne qui s’est développée distinctement de son pendant oriental, et à laquelle se sont adjointes les colonies qui, malgré leur indépendance politique et leurs particularités socioculturelles, demeurent liées d’une façon toute particulière à l’Europe de l’Ouest. Surtout, quantité d’intellectuels comme le Pape Benoît XVI qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, affirment que l’Europe et/ou l’Occident se définissent avant tout en tant que concept historique et culturel. La civilisation occidentale est d’abord caractérisée par son héritage classique (philosophie grecque, droit romain et latin), mais aussi par le grand monothéisme qu’est le Christianisme. Selon Benoît XVI, la crise de l’Occident consiste avant tout dans la tension entre ses racines culturelles, spirituelles et historiques chrétiennes et le développement de la rationalité séculière moderne qui veut s’en émanciper de façon radicale. D’après le Pape émérite, l’erreur fondamentale de la modernité a été de se couper de sa source spirituelle. L’exemple de l’échec des prétendus systèmes de libération du siècle dernier (les totalitarismes athées) montre que l’être humain doit aujourd’hui faire face à une grande désillusion. Le déclin de l’Occident/l’Europe se manifeste aujourd’hui par le relativisme éthique. Il apparaît clairement que la notion de vérité n’a plus sa place dans notre société. La « dictature du relativisme », dénoncée par Joseph Ratzinger peu avant son élection, rend aujourd’hui notre conscience éthique bien faible face aux grands défis qui menacent la civilisation occidentale. Le relativisme moral conduit ainsi à une forme d’aliénation de l’homme qui s’exprime par une culture technocentrique. Pour Benoît XVI, ces deux courants ne sont en fait que les deux faces d’une même négation passive de toute ouverture de l’homme à la transcendance. Et Stéphane Bürgi de préciser qu’au final, dans la pensée du Pape, la civilisation occidentale ne sortira pas de la crise tant qu’elle n’aura pas compris qu’aucun moyen technique, aucune structure politique ou aucune connaissance scientifique ne peuvent remplacer une conscience morale qui sait reconnaître Dieu comme l’origine et la finalité ultime de l’homme. Pour Benoît XVI, cette reconnaissance est le seul fondement solide qui puisse être.
La tendance actuelle en Occident est souvent au multiculturalisme. S’il est positif de voir l’Occident s’ouvrir aux autres cultures, notre civilisation a aussi besoin de renouveler son amour-propre et de rectifier son incapacité à reconnaître la grandeur de son Histoire. Dans ce contexte, le Pape émérite, comme d’autres auteurs, perçoivent que le multiculturalisme sert aujourd’hui la cause de l’abandon et du rejet de l’héritage culturel occidental. En réalité, le vivre-ensemble dans la diversité ne peut qu’être correctement vécu que s’il y a des fondations communes. Benoît XVI rajoute l’importance du sens du sacré : le vivre-ensemble dans le contexte contemporain exige une redécouverte du sens de Dieu.
En redécouvrant ses racines, l’Europe dialoguera plus facilement avec le reste du monde…Il est impératif que l’Occident, et particulièrement l’Europe, renoue avec son héritage chrétien, au risque de se couper de la possibilité d’entrer en dialogue avec les autres cultures. Dans la pensée de Benoît XVI présentée par Stéphane Bürgi, les autres cultures du monde, profondément religieuses, voient l’exclusion du divin de la culture occidentale comme un véritable outrage à leurs convictions intimes. Une raison niant absolument Dieu et repoussant toute religion est inapte au dialogue des cultures[8]. Autrement dit, en délaissant son patrimoine spirituel, l’Occident s’est éloigné des autres cultures du monde. Voilà le renversement de perspective que nous propose Benoît XVI. La culture rationaliste moderne s’est trompée de voie en rejetant l’héritage spirituel duquel elle est issue, d’où l’insistance du Pape émérite sur le lien foi-raison. Il n’y a de véritable horizon universel que dans la redécouverte de l’ouverture de la culture à la question du divin. Pour Benoît XVI, affirme Stéphane Bürgi, il ne s’agit pas de renoncer à la raison, mais plutôt d’ouvrir la raison aux lumières que procure la foi sur les réalités humaines. Comme l’a dit le jésuite Samit Khalil Samir, spécialiste de l’Islam « Il y a, dans le discours de Benoît XVI, un projet de dialogue planétaire, d’un dialogue entre toutes les cultures et les civilisations (…) ». La position du Pape émérite serait donc bel et bien de promouvoir une « amitié dans la distinction, sans syncrétisme ni confusion ».Alors que pour certains auteurs comme Samuel Huntington, les différences religieuses signifient obligatoirement conflit, il n’en est guère ainsi pour le Pape. En effet, pour Benoît XVI, les divergences culturelles, fondées sur la religion, ne sont pas une fatalité ni un mur hermétique qui les séparent, car « la vérité permet (aux hommes) de dépasser les déterminismes culturels et historiques et de se rencontrer dans la reconnaissance de la substance et de la valeur des choses. »[9]. Cette question de la vérité constitue pour le Pape émérite un élément très important, lui permettant de résoudre l’impasse dans laquelle la conception moderne des rapports entre religion et politique nous enferme. Benoît XVI n’ignore pas la méfiance que les Occidentaux entretiennent aujourd’hui à l’égard du concept de « vérité », encore plus lorsque ce concept est proclamé par l’institution « Eglise ». Et pourtant, selon lui, la base du dialogue entre les cultures est bien l’ouverture à la vérité. En effet, Stéphane Bürgi montre bien que pour Benoît XVI, la religion n’est pas l’ultime et infranchissable barrière séparant les cultures, comme dans l’approche huntingtonienne. Elle est au contraire le lieu permettant de dépasser les particularismes culturels, afin de se retrouver dans une commune ouverture à la transcendance divine. En ce sens, le relativisme est un fardeau et ne peut favoriser la rencontre des cultures, alors même qu’il prétend à une éthique de tolérance et de paix. Ainsi, par sa fermeture à la transcendance et à la recherche de la vérité sur Dieu, la culture occidentale relativiste est en contradiction non seulement avec le Christianisme, mais avec l’ensemble des cultures et des traditions religieuses du monde. L’Occident se retrouve ainsi isolé.Stéphane Bürgi rappelle aussi que le Pape émérite a toujours plaidé en faveur d’un dialogue entre la foi chrétienne et la raison sécularisée, à condition que ce dialogue ne se ferme pas à l’apport des autres cultures. Selon Benoît XVI, il est nécessaire de prendre en compte l’interculturalité du contexte mondialisé contemporain. Cette ouverture à l’interculturalité exige notamment de la rationalité sécularisée occidentale qu’elle fasse son autocritique et qu’elle renonce à s’imposer comme la seule option face aux traditions religieuses et culturelles dans le reste du monde.
L’Europe est une terre chrétienne, et c’est justement pour cela qu’on y trouve une telle séparation entre le politique et le religieux, à tel point que le politique entend parfois écraser le religieux qui semble déranger la conscience des personnes qui précisément ne semblent plus en avoir. Nier à l’Europe ses « racines chrétiennes » constitue non pas simplement une offense à la vérité historique, mais une grave erreur intellectuelle et un danger quant à l’avenir du projet européen. De nombreux intellectuels, à commencer par le Pape Benoît XVI qui tenait beaucoup à cette question, ont travaillé sur le sujet. Tous s’accordent à faire le constat suivant : la réaffirmation des racines chrétiennes de l’Europe doit être aujourd’hui une des préoccupations majeures de nos gouvernants ; la crise que connaît l’Occident vient du reniement de son identité et de ses valeurs que la modernité n’a pas su remplacer, et la crise est véritablement l’occasion pour les Occidentaux de redécouvrir pleinement leur héritage, de l’assumer et de se le réapproprier ; la quête de la vérité[10]est source de libération et constitue un lieu de rencontre et de dialogue entre les cultures. L’Europe connaît aujourd’hui tout le drame d’une civilisation sans Dieu. Or, la question de Dieu est précisément ce qui nous rassemble tous en humanité, malgré toutes nos différences. Le relativisme actuel vient opérer une rupture avec ce fondement essentiel des grandes cultures du monde, rendant les civilisations hermétiques les unes aux autres. Si nous poursuivons dans cette voie, la paix et la concorde seront difficiles à obtenir, d’autant plus dans un contexte de mondialisation où l’interculturalité est de plus en plus vécue. En ce sens, il est essentiel pour l’Occident de se réconcilier avec son héritage spirituel, et cela pour l’équilibre de l’ordre mondial."
Emmanuel ECKER.
Sources :Stéphane Bürgi, Occident et rencontre des cultures. La pensée de Benoît XVI, MEDIASPAUL, Paris, 2012, 197 pages.Editorial « L’Europe des droits de l’âme » par Aymeric Pourbaix in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n° 1895.
« Charlemagne, père de l’Europe » par Olivier Souan in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n°1895.« La dimension religieuse de l’Europe est fondamentale »,propos recueillis par Charles-Henri d’Andigné, in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n°1895.
[1] Angela Merkel, la chancelière allemande, et David Cameron, le Premier ministre britannique se sont tous deux exprimés clairement en faveur d’une telle reconnaissance. [2] Editorial « L’Europe des droits de l’âme » par Aymeric Pourbaix in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n° 1895. [3] Charlemagne fait adopter le sacramentaire grégorien (rite romain) afin d’effectuer l’unité religieuse de l’Empire. Ce rite constitue vraiment le fondement du catholicisme romain traditionnel. [4] Editorial « L’Europe des droits de l’âme » par Aymeric Pourbaix in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n° 1895.
[5] Benoît XVI, Discours à l’occasion de la rencontre avec les autorités politiques et civiles et avec le corps diplomatique, Prague, Château-salle espagnole, samedi 26 septembre 2009. [6] Editorial « L’Europe des droits de l’âme » par Aymeric Pourbaix in Famille chrétienne, du 10 au 16 mai 2014, n° 1895.
[7] Révélation : pour chrétiens, Dieu se révèle progressivement à l’homme au cours de l’Histoire. Il révèle Son identité par Sa Parole (Bible) et en agissant concrètement dans l’Histoire via différents évènements (exemple : Incarnation). [8] Benoit XVI, Discours à l’occasion de la rencontre avec les représentants du monde des sciences. [9] Benoît XVI, Caritatis in Veritate, n°4. [10] Il faut ici entendre le terme de « vérité » selon le vocable de Benoît XVI : la vérité, c’est Dieu.