"Absorbé par soi-même".
Jeune génération, apprenez tout de suite à l'écrire sur votre CV pour votre prochaine entrevue. Quand votre potentiel employeur vous demandera de lui dire quelque chose qui vous définit ce ne sera pas votre capacité d'écoute, votre leadership, votre personnalité de gagnant ni votre talent à livrer la marchandise sous pression qui vous définiront, certainement pas votre patience, non, votre trait de caractère le plus important devrait être à quel point vous êtes absorbés par vous-même.
Il ne faut pas voir ça comme une mauvaise chose, vous vous accorder une importance que vous n'aurez peut-être jamais ailleurs, mais au moins vous vous sentez bien dedans. Le narcissisme est passé de vilain à atout. Vous changez la langue. D'un coup de piercing. Ça s'est infecté.
Je ne sais trop où ni quand tout ça à commencé, avec Mark Zuckerberg et le téléphone intelligent simultanément peut-être, mais c'est comme si du jour au lendemain, il n'était pas hautement méprisable d'envoyer des tonnes de photos de soi-même, parfois 25 fois par jour, et de faire des visages de trou d'anus avec notre bouche.
Une émission comme "Keeping up with the Kardashians" (qui?) aurait dû durer l'espace d'un pilote et de deux mauvais mardis de cotes d'écoute. Mais non. La vanité est un carré de sable. Snapchat est son enclos.
Quelque part entre le "me" (genre) le "myself" (style) et le "I" (comme) vous vous êtes perdus. En fait, vous avez perdu contact avec le réel mais vous avez tout perdu sauf vous-même. Vous vous êtes convaincu que vous êtes le cadeau de Dieu envoyé sur terre et rien au monde n'est plus important qu'un remoulage quotidien de votre "vous". L'amour propre c'est important.
Mais vraiment, quand la glissade s'est-elle produite? Qui en est responsable? Qui en est la cause?
Le net?
Ben oui, blâmons le net, c'est abstrait, c'est facile, et il est certain que le net a un rôle à y jouer. Sans le net, pas d'autoroute pour la propagation du moi.
Mais ce n'est pas l'internet qui a changé tout ça, c'est notre incapacité à en faire quelque chose de valeur.
L'internet est le Big Mac que vous ne vouliez pas commander. Vous auriez pu n'en prendre qu'une bouchée mais tant qu'à y être, aussi bien tout le manger. La liqueur et les frites avec. Oh et puis une fois par mois, ce n'est pas le Pérou, non plus. Faut se gâter. Tiens, je vous envoie une photo de mon Big Mac et 3 minutes plus tard une photo de moi qui l'ai mangé!
Mais l'appétit ça se contrôle. Quand cette génération a-t-elle perdu toute dignité et a-t-elle commencé à penser qu'elle valait la peine d'être visuellement envoyée à tous et chacun à toute heure du jour?
Je vais vous donner quelques indices: Paris Hilton, Nicole Richie, Kim Kardashian, Lauren Conrad, Brooke Hogan, et là je ne suis qu'aux États-Unis, et strictement chez les filles...mais il est aussi vrai que le narcissisme extrême semble étrangement surtout de nature féminine.
Au début c'était ce qu'il y avait de plus étrange. Une jeune fille, en tenue sportive ou dans sa salle de bain, qui fait une genre de baboune avec sa bouche, qui se prend-elle-même en photo, trop maquillée, trop....trop weird. Comme un pet qu'on aurait surpris. Un peu puant.
Puis, nos amis ont commencé à le faire...et le malaise est devenu de plus en plus grand. C'était étrange, ça l'est resté, mais pas pour tous...
Puis soudain, les gens ordinaires, gars comme fille, ont réalisé qu'ils pouvaient sur le net, obtenir une personnalité et une popularité qu'ils n'avaient pas ailleurs. En dehors du virtuel. 222 likes! wow! Tiens, en filtrant la photo, en la photoshoppant, en changeant ma coupe de cheveux, voilà, je ressemble enfin à celui/celle qui me plait tant au cinéma...le cinéma...mère patrie de l'artificiel...
Baby-Boomers (nés entre 1945 et 1965) parce qu'il y a eu un baby-boom dans l'après-guerre.
Génération X (nés entre 1965 et 1980) parce que nous étions condamnés, comme on efface d'un X.
Génération Y (nés entre 1981 et 1992) pour honorer le craque de fesse ou le clivage d'une camisole...
et...
...Génération...vide?
Il existe des jeunes gens "étranges" dans la vingtaine qui n'ont ni compte Facebook et qui n'utilisent ni instagram, ni twitter.
Mais justement, ils sont étranges.
Et y a aussi de vieux qui se croient plus fins et qui se servent de l'internet pour parler de nous avec un peu de mépris.
"Y ont juste à pas "liker" nos photos, j'm'en bat'."
Dit celle qui est née de 1993 à nos jours.