Cimetière allemand de la Cambe (14)
où sont inhumés 21222 soldats
Baptême de bébés nés à la maternité
de Bénouville (27 juillet 1944)
Je me rappelle que l'herbe souvent haute mouillait mes chaussures quand, lors d'une pause, j'allais voir passer un grumier ou un vraquier remontant le canal jusqu'à Blainville. Dans ce beau lieu encore méconnu par nos édiles, il y avait de belles personnes dont je prétends saluer la mémoire en modifiant un peu leur nom pour qu'elles se reconnaissent aisément tout en sauvegardant leur modestie naturelle. Isabelle Patissier, puéricultrice, régnait démocratiquement sur les nourrissons des "Tilleuls" et sa collègue Francesca Bouvier était la responsable des « grands », logés aux "Marronniers". Je songe aussi à Noëlle Le Gall et à d'autres monitrices ou auxiliaires de puériculture.... J'entends encore la voix de stentor de Lucy Verly résonnant dans le grand escalier du Château ! Je me rappelle aussi le sourire un peu triste de certaines mères accueillies à la Maison Maternelle et en particulier celui de Fanny Ravault qui m'a plus tard fait l'honneur de me confier le suivi de ses enfants.
Chateau de Bénouville (14) construit en
1780 par Nicolas Ledoux
Heureuses années 1970 ! Le bonheur paraissait alors à portée de main y compris pour les obscurs, les sans grades, les sans-papiers... Depuis il y a eu l'OMC, les armes chimiques et nucléaires en abondance, Sangate et Lampedusa, la lente sortie du bois du Front national [4] comme si le souvenir d'Hiroshima et d'Auschwitz s'était évanoui de nos mémoires.
Peu m'importe si Elizabeth II a fait ou pas le voyage à Bayeux pour remettre sa cloche à l’évêque, si Poutine s'est vu servir ou pas la salade de tomates "Noires de Crimée" qu'il affectionne particulièrement, si Obama, prix Nobel de la Paix, était accompagné par ses gentils drôles ou par ses moins sympathiques drones.
Bénouville 2014, une autre commémoration était-elle possible ? Sans ballets d'hélicoptères ni militaires déguisés en ballerines, sans courbettes ni hypocrisie. Personnellement, je pense que oui : les rencontres organisées entre anciens résistants et écoliers, collégiens ou lycéens sont souvent le fruit d'initiatives personnelles et locales. Elle me paraissent à encourager autant que le temps le permettra et le relais sera pris ensuite par la vidéo dont les historiens pourront éventuellement se servir.
Je préfère quant à moi la visite solitaire en automne du cimetière américain de St Laurent ou, plus impressionnant encore, celui des tombes allemandes de la Cambe. La lecture des ouvrages historiques sur cette période m'accompagne depuis que j'ai dix ans...
Alain QUESNEY
[1] Voir plutôt « The lunch box », le délicieux film indien de Ritesh Batra (2013).[2] Le secret du menu concocté par cinq chefs normands médaillés est resté bien gardé. Peu m'en chaut ![3] Du même Nicolas Ledoux, voir aussi l'église de Cruzy le Châtel dans l'Yonne
[4] Même le nom « Front National » est une arnaque puisqu'il désignait durant l'occupation un important mouvement de Résistance.