Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insouciant et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.
C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre
Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet;
Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.
Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,
Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.
Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,
Il s'en alla disant: « Pourquoi suis-je venu ? »
Gérard de Nerval né Labrunie, cette figure du romantisme, souffrait de graves troubles mentaux se traduisant par des crises de délire et d’hallucinations. En proie à des crises de plus en plus nombreuses, Gérard de Nerval après des internements ne lui apportant aucune amélioration, finit par se pendre. Il écrivit cette épitaphe pour lui-même mais elle ne fut publiée qu’après sa mort dans le recueil « Poésies diverses »
Ce sonnet met en corrélation un homme et sa mort. L’homme ne se révolte pas au contraire il est très serein, prend le temps de finir ce qu’il était en train de faire, s’allonge et laisse la mort faire son œuvre. Mais pas sans faire preuve d’un certain désenchantement : « Pourquoi suis-je venu ? ». Il semble croire que son existence a été inutile. Dommage que Gérard de Nerval n’ait pas su qu’il est devenu une référence de la poésie romantique. Mais lorsqu’on est plongé dans la tourmente comme il l’a été, rien ne peut réconcilier l’homme avec la vie.
https://www.youtube.com/watch?v=xstoVMRNJ7Q
Poesie
Hélène Gestern Eux sur la photo Les seigneurs de la mer Fahrenheit, Between the lines (2006)