Par un beau mardi matin de mousson, je quitte mon petit mari (tout nouveau tout chaud) à grand-peine, m’installe au volant de ma voiture et prend la route du boulot.
Je n’ai pas conduit depuis un bon moment mais il pleut et les chances de trouver un rickshaw décroient proportionnellement à l’intensité de la pluie… Me voilà donc à hésiter entre la route habituelle, la plus courte certes mais également la plus stressante : elle se négocie à coups de klaxon entre les vélos, les charrettes, les vendeurs de rue, les gens, les camions poubelles ; et quand le tout macère dans la boue, ça donne juste envie d’aller prendre la route principale, plus longue et pleine de feux mais aussi plus tranquille…
Bref. J’opte pour la route bordélique. Je m’arrête à une intersection, bloquée par une voiture qui fait un espèce de demi-tour chelou. A ce moment-là surgit une moto avec deux flics qui vont engueuler le conducteur. Qui se met à reculer frénétiquement, s’approchant dangereusement de ma caisse. Malgré mes coups de klaxon, le cul de ce trouduc finit par m’emboutir !! Je regarde les flics qui m’indiquent de suivre la voiture. Et alors que je pense qu’on va se garer pour faire un constat, la voiture se barre… !
Alors là je vois rouge. Mais alors là rouge de chez rouge. Je suis la caisse, à fond les ballons, le klaxon enfoncé. On tourne à gauche, je ne faiblis pas. On tourne à droite, j’accélère. On tourne à gauche. Je vois une opportunité de doubler, je fonce, et je me gare en travers, coupant la route à l’autre enfoiros. Une prouesse automobile digne de Taxi.
Et alors là, je sors de la voiture, les jambes tremblantes (contre-coup de cette folle course poursuite), et je me mets à hurler « Mais putain ça va pas non ??? Quand t’as un accident tu t’arrêtes !! ».
Et mon assaillant sort de sa caisse, apparemment aussi secoué que moi, et commence par reconnaître mes talents au volant, et puis s’excuse platement…
Le conducteur est en fait une très belle jeune fille, qui dit avoir paniqué quand les policiers se sont mis à lui parler et qui promet prendre en charge les frais de réparation…
Et là-dessus débarquent les deux gus à moto ! Enchantés !! Ils commencent par également me féliciter sur ma performance. Prennent son permis. Nous proposent d’échanger les numéros de téléphone. Viennent me faire au-revoir à la fenêtre en me répétant, le pouce en l’air, que je suis une personne géniale (je sais pas si ils font référence à mes talents de conductrice ou ma magnanimité en ne défonçant pas l’autre abrutie)…
On leur a fait leur journée : la jolie indienne moulée dans sa tenue de yoga et la connasse du huitième parisien en petite robe et lunettes de soleil qui jouent à Fast and Furious dans les rues de Bandra !! Ils étaient trop ravis pour même penser à demander de l’argent…