La passerelle Solferino tressaille. Au diapason avec le pont d’Iéna, la passerelle Debilly, le pont de l’Alma, le pont Alexandre III et le pont de la Concorde. En un souffle, une nuée d’oiseaux de nuit s’est posée sur les ponts de Paris, joyaux du patrimoine mondial de l’humanité. Treize mille élégantes chapeautées et damoiseaux raffinés déploient leurs ailes immaculées au-dessus de la Seine.
Face au soleil couchant, chaque table de bridge drapée de blanc est le théâtre d’un poétique tête-à-tête d’épicuriens préparé en secret. L’argenterie et les chandeliers précieux sortis des salons assistent en témoins éternels à ces instants fugaces. Ces derniers, d’autant plus exquis parce qu’ils sont éphémères, disparaîtront avant les douze coups de minuit, comme les bulles de Champagne éclatent dans les coupes en cristal et les lanternes chinoises lâchées dans le ciel étoilé sont emportées par la brise tiède de ce soir de juin. Un ravissement.
Le protocole invite les hommes à s’asseoir d’un côté, les femmes de l’autre. Le cou ceint d’un nœud papillon satiné, notre hôte de remarquer : ce soir, les hommes regardent vers le sud, les femmes regardent leur homme. Non, les femmes amoureuses regardent leur homme, les autres regardent les Tuileries.