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L'imagier des auras

Publié le 23 juin 2014 par Jlk

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La Fondation Jan Michalski, à Montricher, présente les Portraits d'écrivains du photographe allemand Horst Tappe, décédé en 2005.

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De Vladimir Nabokov, l’hôte célébrissime du Montreux-Palace, à Noël Coward en son castel des Avants, en passant par Stravinski, Kokoschka, Garcia Marquez et tant d’autres nobélisés ou nobélisables, Horst Tappe avait tiré le portrait, comme autant de présences tutélaires, chacun saisi avec son rayonnement personnel. Somerset Maugham, en contre-plongée, a l’air d’un vieux bonze asiate momifié à peau de lézard. La silhouette noire du génial Ezra Pound, proscrit et sombré au tréfonds de la déprime silencieuse, s’éloigne dans une venelle vénitienne accompagné d’un chat errant. Ou c’est Patricia Highsmith, en sa naturelle élégance d’éternelle vieille jeune fille bohème, qui siège les mains jointes, belle et perdue.


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Ce qui frappe le plus, dans les portraits signés Horst Tappe, c’est la conjonction de la perfection formelle et de la vie frémissante, saisie au vol. Evitant à la fois l’anecdote et la pose désincarnée, le photographe est à la fois peintre dans ses compositions et sculpteur d’ombres et de lumières, sans que la recherche esthétique ne gèle jamais l’expression. Chaque portrait suppose une véritable rencontre, et c’est d’ailleurs cela même que Tappe a toujours recherché en priorité: la relation humaine.
Question technique, la boîte hautement perfectionnée, du point de vue optique, et discrète dans son maniement, du Haselblad, la « Rolls du reflex », fut son instrument définitif. Comme on s’en doute, en outre, un long apprentissage était à la base de son art.
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Passionné de photo dès son enfance (à 12 ans il avait déjà son labo), Horst Tappe acquit les bases de son métier chez un maître artisan de sa ville natale de Westphalie, avant de suivre à Francfort les cours de Martha Hoeffner, représentante notable de l’esthétique du Bauhaus. C’est alors qu’il allait étoffer son bagage artistique en étudiant la composition et en faisant même de la peinture à l’imitation des maîtres anciens.

Au début des années soixante, une bourse lui permit ensuite de se perfectionner, en matière de reportage, à l’Ecole de photographie de Vevey, notamment auprès du Haut-Valaisan Oswald Ruppen. 
A l’occasion d’un séjour sur la Côte d’azur, une première rencontre lui permit de faire le portrait d’un écrivain de renom, en la personne de Jean Giono. On relèvera dans la foulée que le jeune homme fut aussi un passionné de lecture depuis son adolescence et qu’il rêvait d’approcher les créateurs marquants de ce temps. Or ils étaient encore nombreux à cette époque, et notamment sur la Riviera vaudoise, où vivait le grand peintre Oskar Kokoscha, établi à Villeneuve et qui partagea volontiers son « lait », le scotch dont il usait et abusait à l’insu de sa femme… Puis ce fut à Rapallo et à Venise que le photographe alla débusquer Ezra Pound, qui le chargea de transporter… ses urines jusqu’à Vevey où le fameux docteur Niehans était supposé participer à sa réhabilitation physique.
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D’une génie à l’autre, Horst Tappe découvrit bientôt que Vladimir Nabokov était son voisin, qui l’invita à la chasse aux papillons sur les flancs du Cervin. C’est sous les trombes d’un orage, là-haut, qu’il prit une photo désormais célèbre du père de Lolita.

Autre document quasi légendaire : le portrait de Noël Coward siégeant sur une chaise curule sur fond d’ailes de plâtre largement déployées qui font du comédien anglais une sorte de hiérarque des légions célestes (ou lucifériennes), et dont l’intéressé fut si content qu’il invita le photographe à Londres, où sa secrétaire lui remit seize lettres de recommandation. En découlèrent autant de rencontres, parfois immortalisées, avec Ian Fleming, Alec Guiness ou John Huston.
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Le prestige de son vis-a-vis n’est pas, cependant, ce que recherche essentiellement Horst Tappe. S’il est certes heureux d’avoir tiré le portrait (et quel !) de Pablo Picasso, il semble plus encore touché d’évoquer les circonstances familières, presque complices, de leur rencontre à Antibes. De la même façon, il ironisera sur le « grand cirque » de Salvador Dali, relèvera la grande gentillesse de Nabokov ou la prétention glacée de certains autres…

Diffusé dans le monde entier par l’agence Camera Press et de nombreux sous-traitants, le travail de Horst Tappe resta plutôt méconnu dans l’aire française, alors qu’il a exposé ses oeuvres en Allemagne, en Russie et en Suisse, notamment. Dernier signe de reconnaissance réjouissant : la présentation de son exposition morgienne par Charles-Henri Favrod, fondateur du Musée pour la photographie de l’Elysée.

Evoquant son arrivée en Suisse romande, Horst Tappe m'avait déclaré un jour: « Après l’Allemagne d’Adenauer, si lourdement matérialiste, je me suis senti revivre au bord du Léman ! ». La reconnaissance inverse, de la part des instances culturelles vaudoises et suisses, ne lui fut guère concédée en revanche, et l’indifférence que lui manifesta notamment le Musée de l’Elysée n’est pas à l’honneur de celui-ci. Du moins trouva-t-il ces dernières années, auprès des historiennes de l’art Sarah Benoit et Charlotte Contesse, une aide précieuse pour la réalisation de livres (sur Vladimir Nabokov et Oskar Kokoschka) et d’expositions mettant en valeur ses précieuses archives, représentant environ 5000 portraits. La destinée de ce trésor reste actuellement incertaine, soumise à la décision du frère légataire du photographe. Quoi qu’il advienne, il faut espérer que le legs artistique de Horst Tappe, intéressant l’art photographique autant que les archives littéraires du XXe siècle, soit traité avec autant de respect que le photographe vouait à son art et aux êtres qu’il a « immortalisés »…


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Horst Tappe, portraits d’écrivains (du 21 juin au 28 septembre 2014)

Installé à Montreux sur les Rives du Lac depuis 1965, Horst Tappe (1938-2005) a photographié, toujours en noir et blanc et avec son Hasselblad, les plus grands : acteurs, écrivains, peintres, journalistes, musiciens ou encore scientifiques. Il est connu pour ses portraits de  Vladimir Nabokov et Oscar  Kokoschka qui ont fait le tour du monde. La Fondation Jan Michalski s’associe à la Fondation Horst Tappe pour vous présenter, du 21 juin au 28 septembre, une exposition consacrée à ses portraits d’écrivains.

Horaires d’ouverture : Mercredi, samedi et dimanche de 14 à 18 heures, du 21 juin au 28 septembre 2014

Entrée : 5 CHF (adultes) /3 CHF (étudiants, retraités, chômeurs, groupes, AI) / gratuit pour les moins de 18 ans et les habitants de Montricher

Visites guidées : le 6 juillet, le 9 août et le 14 septembre à 14 heures (gratuites). Des visites guidées peuvent également être organisées sur demande (120 CHF + entrée, max. 15 participants)

Parking à disposition.

Plan d’accès.


http://www.fondation-janmichalski.com


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