La Fondation Jan Michalski, à Montricher, présente les Portraits d'écrivains du photographe allemand Horst Tappe, décédé en 2005.
Question technique, la boîte hautement perfectionnée, du point de vue optique, et discrète dans son maniement, du Haselblad, la « Rolls du reflex », fut son instrument définitif. Comme on s’en doute, en outre, un long apprentissage était à la base de son art.
Au début des années soixante, une bourse lui permit ensuite de se perfectionner, en matière de reportage, à l’Ecole de photographie de Vevey, notamment auprès du Haut-Valaisan Oswald Ruppen.
A l’occasion d’un séjour sur la Côte d’azur, une première rencontre lui permit de faire le portrait d’un écrivain de renom, en la personne de Jean Giono. On relèvera dans la foulée que le jeune homme fut aussi un passionné de lecture depuis son adolescence et qu’il rêvait d’approcher les créateurs marquants de ce temps. Or ils étaient encore nombreux à cette époque, et notamment sur la Riviera vaudoise, où vivait le grand peintre Oskar Kokoscha, établi à Villeneuve et qui partagea volontiers son « lait », le scotch dont il usait et abusait à l’insu de sa femme… Puis ce fut à Rapallo et à Venise que le photographe alla débusquer Ezra Pound, qui le chargea de transporter… ses urines jusqu’à Vevey où le fameux docteur Niehans était supposé participer à sa réhabilitation physique.
Autre document quasi légendaire : le portrait de Noël Coward siégeant sur une chaise curule sur fond d’ailes de plâtre largement déployées qui font du comédien anglais une sorte de hiérarque des légions célestes (ou lucifériennes), et dont l’intéressé fut si content qu’il invita le photographe à Londres, où sa secrétaire lui remit seize lettres de recommandation. En découlèrent autant de rencontres, parfois immortalisées, avec Ian Fleming, Alec Guiness ou John Huston.
Diffusé dans le monde entier par l’agence Camera Press et de nombreux sous-traitants, le travail de Horst Tappe resta plutôt méconnu dans l’aire française, alors qu’il a exposé ses oeuvres en Allemagne, en Russie et en Suisse, notamment. Dernier signe de reconnaissance réjouissant : la présentation de son exposition morgienne par Charles-Henri Favrod, fondateur du Musée pour la photographie de l’Elysée.
Evoquant son arrivée en Suisse romande, Horst Tappe m'avait déclaré un jour: « Après l’Allemagne d’Adenauer, si lourdement matérialiste, je me suis senti revivre au bord du Léman ! ». La reconnaissance inverse, de la part des instances culturelles vaudoises et suisses, ne lui fut guère concédée en revanche, et l’indifférence que lui manifesta notamment le Musée de l’Elysée n’est pas à l’honneur de celui-ci. Du moins trouva-t-il ces dernières années, auprès des historiennes de l’art Sarah Benoit et Charlotte Contesse, une aide précieuse pour la réalisation de livres (sur Vladimir Nabokov et Oskar Kokoschka) et d’expositions mettant en valeur ses précieuses archives, représentant environ 5000 portraits. La destinée de ce trésor reste actuellement incertaine, soumise à la décision du frère légataire du photographe. Quoi qu’il advienne, il faut espérer que le legs artistique de Horst Tappe, intéressant l’art photographique autant que les archives littéraires du XXe siècle, soit traité avec autant de respect que le photographe vouait à son art et aux êtres qu’il a « immortalisés »…
Horst Tappe, portraits d’écrivains (du 21 juin au 28 septembre 2014)
Installé à Montreux sur les Rives du Lac depuis 1965, Horst Tappe (1938-2005) a photographié, toujours en noir et blanc et avec son Hasselblad, les plus grands : acteurs, écrivains, peintres, journalistes, musiciens ou encore scientifiques. Il est connu pour ses portraits de Vladimir Nabokov et Oscar Kokoschka qui ont fait le tour du monde. La Fondation Jan Michalski s’associe à la Fondation Horst Tappe pour vous présenter, du 21 juin au 28 septembre, une exposition consacrée à ses portraits d’écrivains.
Horaires d’ouverture : Mercredi, samedi et dimanche de 14 à 18 heures, du 21 juin au 28 septembre 2014
Entrée : 5 CHF (adultes) /3 CHF (étudiants, retraités, chômeurs, groupes, AI) / gratuit pour les moins de 18 ans et les habitants de Montricher
Visites guidées : le 6 juillet, le 9 août et le 14 septembre à 14 heures (gratuites). Des visites guidées peuvent également être organisées sur demande (120 CHF + entrée, max. 15 participants)
Parking à disposition.
Plan d’accès.