Il y a plusieurs années, j’avais publié un article intitulé Ficelles usées des séries télé qui répertoriait les intrigues de base utilisées à tort et à travers. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un type de personnage / de comportement très présent dans les séries, et dont le temps à l’écran augmente proportionnellement à la nullité d’une série.
J’ai nommé… Nunuchon et Nunuchette.
Mon père a inventé ces termes, à l’origine pour parler de Sean et Leila dans la série The Event, qui n’a eu droit qu’à une seule saison (finissant de plus en queue de poisson) et qui, malgré des idées intéressantes, faisait parfois mal aux neurones avec des dialogues d’une richesse toute relative dans des situations peu appropriées. Et la qualité de la série tombait en flèche dès que ces deux personnages étaient ensemble. Exemple choisi : Sean et Leila se font courir après par des méchants armés. Ils s’enfuient, puis s’arrêtent en plein milieu de la rue, à découvert, pour une discussion pleine d’émotion… et Sean se fait tirer dessus. Installée devant la télé, toute ma famille, qui commentait déjà depuis cinq minutes l’échange bisounours et engueulait les personnages pour leur manque d’à-propos et de sens commun) dit, « bien fait, ça vous apprendra. » Oui mais non, parce que quelques minutes plus tard, ils recommencent.
À partir de là, nous nous sommes mis à utiliser Nunuchon et Nunuchette pour toutes les séries. Ils ne sont pas forcément en couple, d’ailleurs. Cela peut être un père et sa fille, par exemple, ou encore les variantes Nunuchon et Nunuchon (plus rare parce que les personnages d’homme ont plus tendance à se taper dans le dos avec un air constipé) ou Nunuchette et Nunuchette (et là ça part en live parce qu’apparemment si on met deux amies/femmes de la même famille dans la même pièce, leur QI respectif est divisé par deux – trois si elles sont trois, etc. - je serais curieuse de savoir si ce sont des hommes, des femmes, ou les deux, qui écrivent ce genre de scènes).
En gros, ce sont tous ces moments où l’intrigue semble se mettre en pause pour nous montrer le côté « humain » des personnages, sans que les scénaristes aient réfléchi au moment approprié ou à une façon subtile de le faire, choisissant la solution de facilité sans se soucier de la cohérence. Du coup, ça dégouline, avec en général un contenu bien superficiel, et ça se met en travers du chemin des spectateurs qui voudraient bien savoir qui a tué Truc, ou quel est l’objectif du complot, ou si Machine va survivre à ses blessures. Pour autant, ce n’est pas un outil efficace de suspense : lorsque l’on remarque un moment Nunuchon/Nunuchette, on sort de l’intrigue où on devrait, si les scénaristes, le réalisateur et les acteurs faisaient bien leur travail, rester plongé jusqu’au générique de fin (voire après).
C’est en général dans ces mêmes moments (mais pas exclusivement) que les personnages se sentent obligés de rappeler des choses qu’ils savent forcément mais que le spectateur a pu oublier, ou louper s’il n’a pas regardé l’épisode précédent. « Quand tu as failli mourir il y a dix ans après cet accident de voiture dont on n’a jamais retrouvé le responsable… » Ah oui, j’avais oublié, merci de me le rappeler. Pas la fois où j’ai failli mourir d’une blessure par balle ou d’une piqûre de mygale alors ? Le même mécanisme est d’ailleurs utilisé entre professionnels d’un domaine qui n’auraient jamais besoin d’expliciter certaines choses – dans les Experts par exemple, « On a trouvé du chlorure de sodium sur la scène de crime. – Oh mon dieu, du sel ? », mais aussi dans tout un tas de séries policières, « Il a un casier et il nous a menti sur son alibi. – Tu penses qu’on devrait l’interroger ? ».
Le degré de tolérance au Nunuchon/Nunuchette ainsi qu'à ces informations transmises « subrepticement » varie d'une personne à l'autre. Mon père, et ce n'est pas étonnant puisqu'il a ressenti le besoin de nommer le concept, supporte très mal ces ficelles usées. Moi-même suis capable de les supporter si le reste de la série vaut le coup, avec moult soupirs et commentaires (partagés avec ma famille ou toute seule devant mon écran, ni les uns ni l'autre ne s'en sont plaints jusque là), mais j'y deviens de plus en plus sensible.
Et vous ? Avez-vous déjà remarqué ce genre de scènes ? Y a-t-il d'autres éléments qui vous sont rédhibitoires dans les séries ou les films ?