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Etre ou ne pas être un bon enseignant, telle est la question

Publié le 12 juin 2007 par Mirabelle

Mon cher Victor,
En septembre, je serai maîtresse. Ca va venir vite, septembre ! Oh que oui... A vrai dire, je n'aurai pas vu passer cette année de PE2. Il y a eu mes trois mois en Angleterre, parenthèse enchantée et dont je tire beaucoup de bénéfices pour ma pratique, et puis les stages en responsabilité, le mémoire... Tu as eu de quoi t'occuper, effectivement ! Et surtout, j'ai évolué. Quand je compare la manière dont j'ai tenu la classe pour ma première semaine de SR3, et celle dont je tenais ma GS-CP au SR2, je me dis que j'ai fait un petit bout de chemin. Je suis plus sûre de moi, moins hésitante. Plus à l'aise. Et surtout, quand je suis dans la classe, devant vingt-six paires d'yeux à qui j'explique ce qu'est une "planche" de B.D, je me sens à ma place. Je me sens maîtresse. Je ne suis plus la post-adolescente que je redoutais.
J'ai hâte d'avoir ma classe. J'ai peur, aussi, évidemment. Car, comme les futurs détenteurs du concours s'en apercevront l'année prochaine, la formation de professeur des écoles, la PE2, c'est court, superficiel. Décevant. Et ils auront sans doute, comme moi, à moins d'avoir eu auparavant de réelles expériences dans l'enseignement, le sentiment d'être propulsés dans une classe dans la panique et l'urgence. Tous les ans, dans les enquêtes de bilan, les PE2 tirent la conclusion qu'ils ne sont pas satisfaits de cette formation. Que l'IUFM paraît bien décalée par rapport à la réalité du terrain. J'ai pu m'en rendre compte moi aussi. Ce qu'on nous raconte, en PE1, ce sont de grandes idées un peu utopiques qui ne laissent présager en rien de ce qui nous attend réellement dans une classe. C'est de la théorie pure et dure. On ne s'aperçoit qu'une fois dans une classe combien la différenciation est difficile à mettre REELLEMENT en place, combien il est compliqué d'apprendre à lire à un élève (surtout que nous ne sommes pas du tout formés à l'apprentissage de la lecture, du moins dans mon académie), et on sous-estime le boulot que ça représente. C'est un métier perfectible à l'infini.

Serai-je une bonne enseignante ?
Cette question m'obsédait et m'angoissait l'année dernière, en PE1. Depuis quelques semaines, je me la pose en pointillés. Je me dis que l'avenir le dira, et que, de toute façon, je ferai tout pour. Je me laisse le temps de progresser, encore. Je ne me sens pas plus bête qu'une autre, pas plus immature, pas moins prête. Nous sommes tous, de toute façon, et en toute sincérité, un peu "à la ramasse". Cette année de T1 nous effraie autant qu'elle nous motive. Et n'entrent plus, en ligne de compte, entre nous, les questionnements du type "qui sera une bonne maîtresse", "qui ne sera pas un bon enseignant". Je m'aperçois que cette distinction, crée par la concurrence du concours, s'efface à l'entrée en PE2. Parce qu'on apprend à relativiser, à se donner le temps. Et à ne pas émettre de jugement à l'emporte-pièce. Peu importe qu'on ait eu le concours du premier coup ou au bout de la troisième fois. Personne, en PE2, ne se permet de dire : "Untel a eu de la chance de l'avoir du premier coup. N'ayant pas connu l'échec, n'étant pas animé d'un esprit de revanche, il sera forcément un moins bon instit' que moi" ou "Si Truc n'a toujours pas le concours au bout de la troisième fois, ça veut dire qu'il n'est pas fait pour ça.". Les tentatives de catégorisation, sensées nous rassurer en PE1, n'existent plus en PE2.

Parce que le jugement sur le métier change.
S'il n'est pas encore fixé (nous avons en effet toute notre carrière pour mieux saisir, je dirais même "sentir" en quoi il consiste), il n'en demeure pas moins qu'il a changé. Nous savons que l'enseignement, ce n'est pas du déterminisme. Ce n'est pas entrer dans des cases. Ce n'est pas juger les uns et les autres. Ce n'est pas établir une hiérarchisation en fonction du rang au concours, des chanceux et des malchanceux. Non. Nous sommes tous en train d'apprendre le métier. On ne peut pas dire si on sera un bon enseignant ou non, et ce n'est en rien le concours (qu'on l'ait eu ou non du premier coup) qui le détermine. Il faut rester humble. Je trouve stupide de décréter que "ceux qui ont eu le concours du premier coup seront de moins bons enseignants que ceux qui l'ont eu au bout de plusieurs tentatives".

Si l'on encourage ceux qui sont face à l'échec, si on leur affirme que cela ne laisse présager en rien de leur capacité à devenir enseignant un jour, alors pourquoi ces personnes devraient-elles elles-mêmes cautionner le stéréotype selon lequel "quand on l'a du premier coup, c'est de la chance" et que par conséquent "Ceux qui n'ont pas connu l'échec feront de moins bons enseignants que ceux qui ont connu l'échec" ? Ce n'est pas juste. Et surtout, c'est verser dans le déterminisme. Car je suis intimement persuadée qu'être un bon maître, une bonne maîtresse, s'apprend. Certains sont peut être plus naturellement pédagogues que d'autres mais je suis certaine que chacun a sa chance et que chacun progresse, pourvu qu'il s'en donne les moyens et se remette en question. Tout le monde peut y arriver.

Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, l'enseignement est pour moi le métier de l'humilité. L'instit' ne sait pas tout (je l'ai encore dit vendredi à mes CE1, quand, ne sachant pas répondre à une de leurs questions très précise sur la Bande Dessinée, je leur ai dit que j'allais me renseigner) et tant mieux. Parce que ça lui permet de rester bien droit dans ses bottes et qu'après tout, il n'est qu'un intermédiaire entre le gamin et le savoir. Si on admet que le principe d'éducabilité existe, que chacun a ses chances, alors pourquoi le nier dans le cercle des adultes ? Pourquoi vouloir catégoriser les uns et les autres ? J'ai eu le concours du premier coup, en étant très bien classée. Ce n'est pas pour autant que je me suis prise pour la reine de l'IUFM. Et ce n'est pas pour autant non plus que j'ai jugé les recalés incapables d'être de bons enseignants un jour.
Bref. Tout ça pour dire que la question qui me taraudait en PE1 ne me taraude plus. Il faut la garder à l'esprit, bien sûr, mais se faire confiance et se dire que tout s'apprend. Petit à petit.


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