LETTRE-POÈME DU 15 JUILLET 1925 (extrait)
Dans mon rêve, cette nuit, j’étais
entourée de très nombreuses
personnes, dans un hall de gare.
Elles parlaient fort, ensemble, et
pourtant j’arrivais à distinguer
chaque voix, chaque voix
séparément, à en suivre
le sens. Il n’y avait aucune
cacophonie. Je songeais
à Mozart, à la façon dont
il entrelace les individualités
sonores, dans ses opéras,
pour concevoir une unité
qui à aucun moment les fait
mourir en tant qu’individualités
pour les faire se muer dans un
tout qui serait l’indistinction.
Des voix, comme toute voix,
aussi frêles que plumes couchées
par le vent sur un panier de coquillages
(cette image s’impose à moi, je ne sais
pourquoi, je ne cherche pas à le savoir : la
gratuité du ressac des images en moi me
suffit ; la vie qui traverse dans sa
gratuité
avec son lot d’images me suffit) eux-mêmes
fêlés par une main enfant qui a cru attraper
la mer en vol, mais n’a retenu que ces
instants
de nacre irisés (que l’on porte à l’oreille
quand
cela se peut, pour écouter, quoi ? Pas la
mer,
pas le vent. L’envie de mer, l’envie de vent,
qui nous tenaille, et fait advenir notre cœur
au-dehors de nous, et non plus en dedans.)
Matthieu Gosztola, Lettres-Poèmes, Correspondance avec Gaudì, Abordo, Bordeaux, 2014, pp. 47-48-49.
MATTHIEU GOSZTOLA
Source
■ Matthieu Gosztola
sur Terres de femmes ▼
→ Matthieu Gosztola, Lettres-Poèmes | Correspondance avec Gaudí (lecture d’AP)
■ Voir aussi ▼
→ le site de Matthieu Gosztola
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