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Jean-Claude Pirotte, À Saint-Léger | suis réfugié par Bernadette Engel-Roux

Publié le 23 juillet 2014 par Angèle Paoli
Jean-Claude Pirotte, À Saint-Léger | suis réfugié,
L’Arrière-Pays éd., juin 2014.


Lecture de Bernadette Engel-Roux

[« SI LES BUSARDS ET LES AUTOURS  |  N’ANNONÇAIENT PAS LA FIN DU JOUR »]

Jean-Claude Pirotte, qui avait écrit dans Lire quelques chroniques sur des recueils édités par L’Arrière-Pays, leur a un jour proposé un petit livre, après les recueils de son ami Bertrand Degott, que L’Arrière-Pays avait aussi édités. Il a eu le temps d’en revoir les épreuves à l’hôpital mais n’aura pas vu le livre paru en juin. Il est mort quelques jours avant.

À Saint-Léger | suis réfugié est donc son dernier recueil, accompagné, pour le tirage de tête, de quinze encres du poète, épuisé par la maladie.

Sur la couverture, la disposition du titre en deux vers venus de l’un des poèmes, donne délicatement à entendre le rythme triste, sensible et léger que Pirotte reprend, souvent avec leur vocabulaire, aux poètes qu’il aime et auxquels il ressemble de loin : Rutebœuf et Villon, Rimbaud et Laforgue, frères en errance et en infortune, voués à la complainte et au testament, aux dits des ribauds et vagabonds, aux dits des plaies du monde et quelquefois des leurs, quand le corps geint trop. « Réfugié » à Saint-Léger où il se sait attendre la fin :

je ne vivrai plus longtemps
j’aimerais passer le temps

à ne me prendre au sérieux
jamais plus qu’un jour ou deux

le poète regarde ce corps souffrant en choisissant cette relative distance qui évite l’apitoiement :

Je me tiens à la fenêtre
en attendant qu’un bel être

fabuleux me fasse signe
et d’un doigt clair me désigne

pour le suivre pas à pas
sur la terre et au-delà

et en essayant de dire encore les instants de beauté, de grâce ou de répit que lui offre le monde,

un poème d’après-midi…
on dirait presque un paradis
si le temps n’était pas mobile

et ne traversait le jardin
comme le merle à cet instant…

si le temps n’était pas le temps…
si le jour n’était pas à jour

et pouvait faire demi-tour
si les busards et les autours
n’annonçaient pas la fin du jour

Ainsi se pose la voix des mélancoliques subtils lorsqu’ils sont poètes, comme Henri Thomas (cité en exergue) ou Jacques Réda que Pirotte compte, avec Jammes, Follain ou Dhôtel et tant d’autres, dans sa grande famille poétique. Une voix aussi belle et juste, dont les nombreux recueils et livres ont été très bien édités, participant ainsi d’une reconnaissance publique, ponctuée de plusieurs prix et d’un colloque. On est heureux que L’Arrière-Pays ait recueilli les dernières pages du poète (né et mort à Namur, avec pourtant toute une vie de cavale), invitant ainsi de nouveaux lecteurs à découvrir l’œuvre de Cette âme perdue, familier du Promenoir magique et buveur d’imaginaire.

Bernadette Engel-Roux
D.R. Bernadette Engel-Roux
pour Terres de femmes,
juillet 2014

Jean-Claude-Pirotte-A-Saint-Leger-suis-refugie



JEAN-CLAUDE PIROTTE

Pirotte

Source

■ Jean-Claude Pirotte
sur Terres de femmes

la mère (poème extrait de Revermont)

■ Voir aussi ▼

→ (sur marincazaou - le jardin marin) une page consacrée à Jean-Claude Pirotte
→ (sur Esprits Nomades) une page consacrée à Jean-Claude Pirotte

■ Autre note de lecture de Bernadette Engel-Roux
sur Terres de femmes

→ Jean-Loup Trassard, Causement




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