En parallèle, je lis Oser écrire de Madeleine Chapsal et La liste de mes envies de Grégoire Delacourt. Quelques pages de l’un, quelques pages de l’autre. Comme si j’alternais entre un verre de vin blanc et un de rouge. Ou plutôt un shiraz et un bordeaux. J’aime les deux, je me délecte des deux. M'inspirent. Envie d’écrire, envie de copier. Le sujet du premier, le rythme du second. Je compare, évidemment, ma vie avec celle de la première et mon style avec le roman du second. Je ne serai jamais la première, je n’aurai jamais (peut-être que si, un peu) le style du second.
Et puis j’y retourne, sans comparer cette fois, juste pour faire plaisir à la lectrice, siamoise de l’auteure, que je suis, juste pour aimer sans jalousie, pour admirer sans me dire que je suis un écrivain raté. Peut-être moyen, mais pas raté. J’aurai au moins essayé, et réussi en partie. Comme à l’école, j’aurai eu la moyenne. Pas sur le podium des grands succès, mais pas la cancre qui aura décroché. J’ai toujours dit que le système d’évaluation à l’école ne favorisait pas l’estime de soi. Vous classe à vie. Vous stigmatise à vie. Laisse des traces comme une blessure narcissique.
Chose certaine, en commençant ce blogue, je croyais poursuivre sur la lancée du guide touristique produit pendant treize ans : parler des événements de ma région, des artistes, des créateurs de ma région. Je savais que je parlerais des livres, que je ne pourrais m’en empêcher, mais si je pensais écrire le résumé, donner mon avis sur le sujet, j’ai dévié. Trop pensum, trop dissertation. Comme bien d’autres, et très facilement, très plaisant, je suis tombée dans le subjectif, dans le « je ». Une fois que j’ai lu un livre, ou que je suis en train de lire, pas vraiment le goût du compte rendu. Seulement parler de l’empreinte laissée. En soulignant trois fois le fait qu’une personne qui essaie d’écrire, qui veut écrire et qui écrit ne lit pas comme les autres, on ne me fera jamais croire le contraire. Deux jumelles inséparables. C’est se regarder dans un miroir. Pas pour tomber amoureuse comme Narcisse, mais pour apprendre, pour évoluer, pour s’améliorer. Bref, comme l’évaluation devrait être dans les classes : une note par rapport à nos propres progrès, pas de moyenne, pas de percentile, pas de podium.
Se remet-on jamais de nos notes scolaires, de ce jugement sans appel qui nous marque à vie? Qui revient nous hanter — me hanter — dès que je prends un crayon?Et comme toute cicatrice, peut-on l’oublier, la circonstancier et finalement, en revenir et passer à autre chose? Ou s’évaluer autrement? Ou être fière de ce qu’on est même si on n’est pas la première, ou la plus, ou la plus comme?
L’autre côté de la médaille qui me réconforte : les «grands» écrivains mentionnent rarement leurs résultats scolaires. Et l’on disait que les meilleurs professeurs n’étaient pas forcément les premiers de classe puisqu’ils auront de la difficulté à comprendre que les étudiants ne comprennent pas aussi rapidement qu’eux. Reste à savoir si les bons professeurs font de bons écrivains!
Jusques à quand me tourmenteras-tu, chère adolescence? (J’ai toujours aimé — et abusé?— de Cicéron)