La radio a une place importante dans mon univers audible. Elle m’accompagne en voiture ou lorsque je suis fourmi ménagère ou abeille cuisinière. La radio m’informe sur ce qui se passe dans le monde (du moins c’est ce que j’en attends), sur ce qui se passe dans mon pays et, le plus important, dans ma région. La radio m’offre souvent le plaisir de découvrir de nouvelles voix, une autre façon de dire, mais aussi la parole qui survit au-delà du temps, la musique de toutes les époques.
Hier, la voiture a été mon lieu de vie majeur. De multiples déplacements agrémentés par cette radio qui est la mienne depuis très longtemps, Radio-Canada. Ma préférée parce qu’il n’y a pas de publicité. Et je suis prête à payer de mes impôts pour avoir une radio sans publicité. Ce que je fais d’ailleurs.
Hier, j’écoutais Radio-Canada… de moins en moins d’ICI. Il y avait PM avec Philippe Masbourian, lequel a finalement réussi à m’apprivoiser. Jusqu’à ce que des nouvelles en continu occupent toute la place pour parler des embouteillages sur les routes métropolitaines. Je me suis dit, c’est vraiment pour cela que j’ai renoncé à syntoniser les nouvelles télévisées, tout poste confondu qui semble ignorer qu’il y a de la vie aussi en dehors de Montréal. Ras-le-bol de tout ce temps consacré à parler de la circulation sur les routes. Je compatis et comprends que cela intéresse les usagers de cette partie du Québec, mais pour plus de 3 millions de Québécois, il y a bien d’autres sujets de préoccupations. Je préfère, et de beaucoup, le 18 h au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est, à mon oreille, une des meilleures émissions télévisées d’information avec un contenu varié, international, national et surtout régional incluant une chronique culturelle et sportive équilibrée.
Bref, j’étais à l’écoute de mon poste favori, patiente malgré tout, sachant qu’à 16 h, j’allais avoir enfin des nouvelles de ma région. L’Heure de pointe est toujours au programme. Encore heureux! Je tremble à l’idée que la gangrène lacroisienne, après ses ravages à Espace Musique, atteigne cette émission et aille ensuite s’attaquer à Café, boulot, dodo.
Hélas! Je n’avais pas anticipé combien ce samedi matin me laisserait un goût amer. Un sentiment de deuil. Une colère aussi. Ici Radio-Montréal qui ignore tout de vous. La voix, cette voix magnifique de Paule Therrien, s’est tue. Plus personne pour nous rappeler les activités en cours au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, le 175e de Saint-Fulgence où on a le sens de l’Histoire, du Camp musical du Lac-Saint-Jean, de cette surprenante Folk Sale de Sainte-Rose-du-Nord, de nos théâtres d’été. En dépouillant les régions du temps d’antenne, déjà très réduit, qui leur était alloué, c’est notre existence qui est ainsi niée. Si personne ne parle de vous, de ce que vous faites, de ce que vous dites, vous n’exister pas dans la pensée des autres. Votre parole, votre opinion, votre créativité, tout cela est occulté. Le paysage médiatique devient monochrome.
Les hommes de main des fossoyeurs de la radio d’État peuvent aller de l’arrière allègrement. Ils ont choisi la bonne saison pour leur travail de sape. Avec l’appui - totalement désintéressé??? – des postes privés qui ne se vantent pas, on le comprend, d’être eux-mêmes généreusement subventionnés par nos impôts. Des subventions de 900 millions aux privés contre un milliard à SRC/CBC.
Le plus odieux dans ces coupes, est la destruction des emplois. D’ici 2 ans à Radio-Canada, 657 postes suprimés dont 312 au service français. On prévoit 1500 postes perdus en 2020. Cela s’ajoute au rapport fédéral du printemps 2014 qui dénombre l’abolition de 20 000 emplois dans la fonction publique et en annonce 10 000 autres avant 2017. L’économie que l’on croit ainsi réaliser ne tient pas compte que ces travailleurs retournent une partie substantielle de cette « dépense » en impôts et taxes. Radio-Canada (et donc le gouvernement) ne semble pas comprendre que des Canadiens au travail sont une richesse. Sinon pourquoi subventionner les entreprises privées sous le prétexte qu’elles créent, ou du moins, maintiennent les emplois?
Selon une étude publiée le 13 mai 2014 par l’Institut Fraser : les subventions au privé ont été de 24,4 milliards de dollars en 2009 seulement.
On y apprend que, de 1980 à 2009, « Le total des subventions, soit 684 milliards de dollars, est constitué de subventions fédérales (342,6 milliards de dollars), provinciales (287 milliards de dollars) et locales (54,2 milliards). L’examen de leur évolution au fil du temps révèle qu’elles ont atteint un pic de 34,8 milliards de dollars en 1984 et un point bas de 11,6 milliards de dollars en 1998, pour remonter à 24,4 milliards de dollars en 2009. Cette année-là, les subventions représentaient 1 507 $ par contribuable.
Pour les seules pétrolières, selon une étude de l'Institut international du développement durable (Le Devoir 9 novembre 2013), les gouvernements fédéral et provinciaux subventionnent ces compagnies à raison de 2,8 milliards de dollars par année.
Tout cela pour créer des emplois? Allez comprendre…
Évoluer, progresser, s’adapter, s’ouvrir aux nouvelles technologies, on y croirait, avec un peu de naïveté, s’il n’était pas si évident que l’objectif ultime est d’abord de favoriser une idéologie politique, en l’occurrence celle des conservateurs, qui ne peut s’instaurer sans heurt si le peuple, trop bien informé, revendique son droit de parole, voire son droit de contester.