Quelques approximations autour de la pulsion de mort

Publié le 31 juillet 2014 par Cdsonline

Le syntagme freudien "pulsion de mort" vise l'exact contraire de ce que le "sens commun" croit en avoir compris (parmi les "célébrités" qui l'emploient à contresens: les idiots Onfray, BHL, Finkielkraut, pour ne citer qu'eux...)

Pulsion de mort désigne en vérité une terrifiante insistance au-delà de la mort (ce pourquoi Freud la relie à la compulsion de répétition) qui se répète indéfiniment, par delà le cycle biologique de la vie et de la mort, de génération et de corruption, comme une "chose" obscène, non-morte, increvable, qui insisterait éternellement...

Les zombies, appelés autrefois morts-vivants (surnommés "biters" dans la littérature anglophone contemporaine) figurent parmi les représentants les plus populaires de la pulsion de mort.

La pulsion de mort arrive comme un contrepoint à la dimension de finitude qui caractérise la vie.

Comment la finitude ne s'accompagnerait-t-elle pas logiquement de son envers obscène qui est cette tension vers l'immortalité?

C'est précisément ce qui caractérise la pulsion, la manière dont Freud introduit la notion de pulsion de mort est cruciale : comment s'articulent, dans la pulsion de mort, la contrainte de répétition et l'annulation des excitations ?

De notre interprétation de la pulsion de mort dépend non seulement la clinique psychanalytique, mais également la possibilité d'une sortie de l'impasse politique.

Freud est plus actuel que jamais.

La pulsion de mort questionne en premier lieu ce qui est au principe de toute pulsion, à savoir la "pulsation" elle-même.

Contrairement au désir, qui ne renonce pas à poursuivre la jouissance impossible (et qui finit par s'épuiser à passer d'un objet à un autre), la pulsion est ce qui, par son éternelle pulsation, maintient le système psychique (la part "énergétique" du désir lui-même) dans une sorte de "survitalité" increvable.

C'est avec la pulsion de mort que l'immortalité, en tant que principe, a fait son entrée dans le champ théorique.

C'est ainsi que le désir ne renonce jamais à réussir et la pulsion ne renonce jamais à échouer.

La pulsion de mort, par son éternelle pulsation, menace jusqu'à la "paix éternelle" promise par la mort.

(La pulsion de mort est radicalement antagoniste à la notion de Nirvana.)

En termes lacaniens, c'est l'ordre symbolique lui-même, le fait que nous soyons toujours déjà pris dans le langage, qui crée ce surplus obscène et terrifiant, insistant par delà la mort, spectre hantant le sujet, le faisant agir "contre ses intérêts", l'empêchant à jamais de coïncider avec lui-même.

Avec le désir nous sommes confrontés à une jouissance impossible à atteindre, de l'ordre d'un manque, tandis qu'avec la pulsion (la pulsion de mort est le paradigme de la pulsion) nous sommes en prise avec une jouissance dont nous ne pouvons nous défaire, un excès qui persiste.

(Le manque et l'excès sont les deux faces d'une même "réalité psychique" abordée sous deux perspectives différentes, ce qui a conduit Lacan à chercher une réponse en faisant appel à la topologie mœbienne et à la théorie des nœuds...)

La radicalité de la différence entre le nirvâna et la pulsion de mort, c'est que précisément par sa pulsation éternelle même, la pulsion de mort est ce qui empêche le "repos éternel" que promet la mort (et le nirvâna).

D'où la fascination contemporaine pour les zombies, les revenants, les fantômes, les vampires, etc. toutes créatures d'un infra-monde, entre deux morts...

La pulsion de mort freudienne est, à bien en saisir la logique, une constante impulsion à se dégager de toutes les formes d'existence aliénée, réifiée, prévisible, et de transcender toutes les formes de mortification symbolique ; la pulsion de mort est tout le contraire de la fausse idée que s'en font les mauvais lecteurs de Freud, c'est un excès, un surplus de vie immortelle, quelque chose qui persiste à l'infini.