LA DIABOLISATION D’ISRAEL ET DE L’AMERIQUE : POURQUOI ?
« Diaboliser une personne consiste à exagérer ses défauts, ses faiblesses et la violence de ses comportements. C’est manquer d’empathie pour les causes qui l’ont amenée à avoir de tels comportements. C’est oublier, volontairement ou pas, certaines parties d’elles-mêmes, certaines caractéristiques qui méritent louange et approbation. C’est enfin donner raison sans discernement à ses adversaires et ennemis et justifier les comportements hostiles à l’égard de la personne concernée.
C’est ainsi qu’Israël est diabolisé. Ses adversaires font des gorges chaudes sur la qualification d’Israël comme « la seule démocratie du Moyen-Orient. Israël, disent-ils n’est pas véritablement une démocratie : « état d’apartheid », minorités discriminées, usage de la force contraire au droit, ripostes disproportionnées aux attaques contre son territoire…
Effectivement, Israël n’est pas une démocratie parfaite, on doit bien le constater. Mais si l’on compare Israël à bien d’autres pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, où l’on tue des civils innocents par centaines de milliers, où les minorités ethniques, religieuses ou sexuelles ne sont pas discriminées mais persécutées sauvagement, où les droits de l’homme n’existent même pas, on voit bien la différence.
Mais alors d’où vient donc cette haine et cette diabolisation pour une démocratie imparfaite mais qui présente malgré tout des traits démocratiques évidents ?
Cette haine et cette diabolisation s’adressent à tout état ou groupe humain qui prétend incarner des valeurs morales supérieures. Il en va de même pour les pays européens qui ont colonisé une grande partie de la planète, pour les Etats-Unis qui ont décimé les populations indigènes et pratiqué l’esclavage et la ségrégation et qui pourtant prétendent incarner des valeurs universelles.
Comme Israël, les démocraties occidentales ont beaucoup de tares, mais elles sont moralement supérieures dans le traitement des minorités, des femmes, des homosexuels. Ce sont ces démocraties occidentales qui, les premières dans l’histoire, ont aboli l’esclavage, la traite des êtres humains, la torture comme exercice habituel de la justice. Les arabes israéliens sont certainement mieux traités que les chrétiens en pays d’Islam, en Egypte, en Irak, en Algérie. Les prisons israéliennes, Guantanomo, Abou Ghraib, tous ces lieux honnis par les medias occidentaux sont loin de ressembler à leurs équivalents en Chine, en Birmanie, au Congo, en Syrie pour ne citer que ces quelques exemples. Tout récemment, Obama, vient de se repentir au nom de l’Amérique pour des tortures commises après le 11 septembre, tortures sans commune mesure avec ce qui est pratiqué dans d’autres pays.
Que signifie alors cette exigence de perfection qui est demandée à Israël, à l’Amérique, à l’Occident en général, exigence qui vient de l’intérieur même du pays comme du monde extérieur ? Comment se fait-il qu’on a pour ces démocraties des exigences qu’on n’a pas pour d’autres états qui ne respectent aucunement les droits humains ?
Je risque une hypothèse. En dehors bien sûr des propagandes des ennemis de l’Amérique et d’Israël qui cherchent à démontrer leur malfaisance absolue, il pourrait y avoir une autre explication, ressortant davantage de la psychologie collective et qui permettrait de comprendre également les critiques internes, souvent aussi violentes et qui accentuent l’effet démoralisant des propagandes ennemies.
Israël, les Etats-Unis et le monde occidental en général représentent dans le psychisme collectif une autorité puissante mais imparfaite, qui accepte de laisser voir ses tares, de se critiquer elle-même et de faire pénitence pour sa violence.
A l’opposé, les régimes totalitaires et dictatoriaux ne supportent aucune contestation : condamnations à mort, tortures, goulags, camps de concentration, exils sont le sort réservé aux opposants de l’ordre établi.
Les medias sont en mesure de montrer les tares et les faiblesses des sociétés démocratiques qui leur laissent, plus ou moins, le loisir de filmer leurs exactions, contrairement aux régimes totalitaires qui ne laissent aux journalistes d’autre choix que de montrer des images de propagande à leur louange, interdisent absolument toutes autre image qui les dépeindraient de façon négative et diffusent les images les plus noires de leurs ennemis et les crimes les plus sanglants qu’ils commettent
Pourquoi cette haine injuste? Pourquoi cette diabolisation ? sinon dans une relation à l’autorité qui n’ a pas été guérie et reste problématique ?
L’autorité « démocratique » ne se présente pas comme toute-puissante à la différence du totalitarisme qui s’appuie sur une connaissance révélée par Dieu lui-même et sur un livre sacré qui ne peut être remis en question (l’Islam et le Coran), sur des présupposés scientifiques présentés comme indiscutables (le matérialisme dialectique en Union soviétique ou le « Rassenlehre », la science des races dans l’Allemagne nazie).
Dans la psychologie individuelle, l’enfant qui fait face à un père tout-puissant qui se prétend parfait, se soumet et pense qu’en aucun cas, il ne sera l’égal de ce père, de ce maître qu’il révère ou qu’il craint. Il se dit qu’il est mauvais, Il se diabolise et il idéalise l’autorité.
Par contre, lorsque l’autorité présente à la fois des aspects de puissance et de faiblesse, lorsqu’elle montre ses faiblesses, lorsqu’on peut facilement dévoiler ses faiblesses sans courir trop de risques, on va projeter sur l’autorité tout le mal qu’on voit en soi-même et ainsi diaboliser l’autorité.
La diabolisation de l’Amérique est née juste après la guerre du Vietnam qui a mis en évidence les limites de la démocratie qu’elle prétendait être depuis Jefferson et les Pères fondateurs. La diabolisation d’Israël en Occident même a commencé après 1967 et l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et du Golan et les relations conflictuelles avec une population soumise à une occupation considérée comme illégitime.
La diabolisation est un processus complexe qui existe dans la vie individuelle comme dans la vie collective. Diaboliser l’adversaire est un procédé courant des propagandes qui veulent dépeindre l’ennemi de façon monstrueuse pour mieux le disqualifier. Ce qui est important en l’occurrence, c’est de voir que la diabolisation est également un processus interne qui empêche le combat nécessaire contre des doctrines qui visent à l’asservissement des êtres humains.