Dans le monde du cinéma, il y a toujours eu des irréductibles. Des passionnés pour qui le cinéma représentent une quête sans répits.
Ils sont nombreux, ces fous qui, loin des circuits habituels, ont tenté d'exister. Ils se sont battus, jour après jour, pour créer LEUR cinéma. Un cinéma parfois maladroit mais souvent sincère qui ne trouvait pas sa place dans les circuits traditionnels. Ils ont hanté les cinémas de quartier, les séances de minuit, les "drive-in"... puis vinrent les vidéo-clubs où fleurirent les direct-to-vidéo. De nos jours, c'est en VOD que ces parias tentent d'exister.
La rage reste pourtant la même.
Frédéric Sojcher rendait hommage à trois de ces fous dans Cinéastes à tout prix.
- Jacques Hardy, professeur d’économie à la retraite qui Il revisite l’ensemble des genres cinématographiques : du péplum, en passant par le western, par le polar et par un remake de Don Camillo.
- Max Naveaux, ancien projectionniste passionné des films de guerre se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale. Il tourne avec balles et explosifs réels.
- Jean-Jacques Rousseau, dont la notoriété doit autant à ses films hallucinants, sans queue ni tête, qu'à sa manie de faire toutes ses interviews en passe-montagne pour protéger son anonymat.
Pour eux, le cinéma est synonyme d'absolu. Sans réseau, sans moyen et parfois sans idées, ils se battent. je ne peux m'empêcher de penser à cet autre exalté qui eut droit à son segment dans Striptease: Cecil B de Liège. On pourrait rire de leurs efforts, mais ils s'accrochent à un rêve. Qu'y-a-t-il de mal à cela?
Mais avant eux, il y en a bien d'autres. Bien sûr, il y a Ed Wood, le plus célèbre de tous. Mais il y a William Castle qui mérite la reconnaissance éternelle pour avoir osé choisir un titre aussi ridicule que Mr Sardonicus, mais aussi pour avoir "inventé" un procédé de cinéma interactif très particulier: certains sièges étaient reliés à des batteries envoyant un choc léger lors des scènes-chocs... l'ouvreur avait mission de placer sur ses sièges des spectatrices qui semblaient le plus impressionnables pour provoquer des hurlements de terreur dans la salle au moment adéquat.
Comment ne pas penser à cette bande annonce devenue virale pour Who killed Capitain Alex, obscur nanar ougandais, ou la société Asylum, spécialisée dans les remakes foireux de blockbusters, qui a connu la gloire avec Sharknado au pitch aussi stupide que navrant.On y croise des esthètes comme le canadien Guy Maddin, des cas plus discutables comme Jean Rollin (qui mélange érotisme et horreur avec une manquez total de moyens et de rythme, comme dans le cas du Lac des morts vivants, film qu'il ne devait pas assumer puisqu'il l'a signé sous pseudo)On pourrait continuer pendant des heures.
Tout cela pour introduire cette encyclopédie du cinéma introuvable de Dylan Pelot.
Soyons clair, ce livre est une vaste déconnade. Tout est faux, même si, au vu de ce que je viens de mentionner, tout aurait pu être vrai.Parce que la grande force de cette encyclopédie, au delà de l'humour potache, des calembours improbables, des mariages contre-nature, des télescopages de genres les plus délirants, c'est qu'elle témoigne aussi et surtout d'une vraie connaissance du sujet par son auteur. Il aime ce cinéma bis, voire ter, et même carrément zed. Son encyclopédie lui rend hommage, en inventant tout, mais ni n'importe quoi, ni n'importe comment. Il y a une certaine forme de crédibilité. Les délires de Pelot concordent avec la réalité, comme s'il empruntait une voie parallèle.D'autant que Dylan Pelot ne se contente pas d'aligner les fiches de films. Il ajoute un rédactionnel riche, revenant par exemple sur la carrière du producteur Rober Corbak qui a lancé James Canemol ou Joey Dantec... toute ressemblance avec des personnages réels ou ayant existé ne serait pas entièrement fortuite.Et on se prend à vouloir croire que quelques uns de ces films ont existé.
Sans rire, des gambas mutantes expertes en art martiaux qui sèment la terreur à Madagascar (Mortal Gambas), un vétéran du Vietnam cul-de-jatte et presque manchot qui customise sont déambulateur pour en faire une arme mortelle contre la pègre (Deambulator), des nains de jardins tueurs venus de l'espace qui débarquent d'un vaisseau en forme d'amanite tue-mouche (La nuit de l'invasion des nains de jardin venus de l'espace), un avatar oriental d'Arsène Lupin qui répond au nom D'Hassan Lupin, un version française de New York 1997 transposée dans un Lourdes post-apocalyptique au mains d'extrémistes religieux (Lourdes 2024), une variation érotico-gore de Sissi: Sissi Circulaire... c'est tellement gros qu'on aimerait que ce soit vrai. Un peu comme le Forgotten Silver de Peter Jackson, mocumentaire formidable sur le pionnier oublié néo-zélandais du cinéma, Colin McKenzie, que beaucoup prirent au pied de la lettre lors de sa première diffusion.
Dylan Pelot est passionné par son sujet. On le sent. Il s'amuse mais derrière le potache, il y a le geek respectueux.
Évidemment, ce genre de livre ne doit pas se lire d'une traite. L'overdose guette. Mais par petites tranches, il est franchement drôle
Et je suis persuadé que considérer ce livre comme complètement con n'aurait pas vexé son auteur (malheureusement décédé en 2013). Je suis sûr que cela lui ferait plaisir. parce que la connerie n'est pas nécessairement une insulte. Si la connerie est bien la décontraction de l'intelligence, Dylan Pelot est un Bouddha.
Rappelons que la genèse de ce projet remonte à un court-métrage de Dylan Pelot: une bande-annonce délirante pour le film fictif La nuit de l'invasion des nains de jardin venus de l'espace, qui vaut son pesant de cacahuètes.