Notes en chemin ( 115)
Repartir. – Après nos 7000 bornes de novembre dernier à travers la France atlantique et l’Espagne, via le Portugal, mon séjour de janvier en Tunisie et les échappées tous azimuts d’une vingtaine de films au tout récent Festival de Locarno, l’envie de me replonger dans le Haut-Pays romanche m’est venue avec celle de rencontrer enfin, chez lui, le peintre et sculpteur grison Robert Indermaur aux visions duquel je venais de consacrer une centaine de variations poétiques dans mes Tours d’illusion.
Jusque-là, nous ne nous étions vus qu’une fois, mais je nous sentais en profonde complicité à de nombreux égards, à commencer par notre naissance, à cinq jours d’écart, en juin de la même année 1947, mais aussi pour nos goûts communs en matière d’art et de conception du monde.
Or je me réjouissais d’autant plus de rencontrer ce descendant direct de Varlin et d’Hodler, maîtres non alignés quoique puissamment enracinés dans nos rudes terres, que le plus lamentable discours de fermeture et de pleutrerie sécuritaire repiquait depuis quelque temps dans notre pays sous l’influence d’un Christoph Blocher culminant dans la régression revancharde.
Délire débile. – Autant dire que la lecture, en train, de la dernière chronique de Jacques Pilet, dans L’Hebdo, intitulée Un air de délire, m’a paru aussi salutaire que le coup de gueule récent de l’ancien ministre UDC Adolf Ogi appelant lui aussi à faire barrage aux initiatives de plus en plus inquiétantes de son compère de parti. Wahsinn ! conclut Ogi - folie catastrophique!
En pointant la rafale d’initiatives populaires que prépare l’UDC contre l’asile politique, la libre circulation des personnes, le sabordage de nos accords avec l’Europe et le rejet de la Convention européenne des droits de l’Homme, Jacques Pilet conclut justement : « Un peuple, une nation, un Führer, tout le reste n’étant que bazar : voilà à quelle aberration mène le délire d’un homme et d’un parti ».
Le château du parvenu. - En voyant défiler les paysages de notre beau pays aux fenêtres du train, j’ai pensé à nos enfants de plus en plus ouverts au monde – ne serait-ce que pour aller y travailler comme y furent contraints nos aïeux – et c’est avec un bonheur mêlé de rage que, saluant à la gare de Coire le violoneux d’Indermaur peint sur le mur, j'ai passé en mode voiture de louage pour gagner la vallée dans laquelle m’attendait mon ami l’artiste, à l’entrée de laquelle se dressent les murailles médiévales du château de Rhäzuns où Blocher le paysan parvenu se la joue tyranneau national …