Notes en chemin (119)
Un rêve éveillé. – Lorsque je suis tombé sur cette peinture après en avoir passé des centaines en revue, j’ai su que je repartirai avec comme, à Sheffield l’an dernier, je suis reparti avec The Falling Man de Neil Rands semblant tomber du ciel devant les mégalithes de Stonehenge, qui surplombe désormais ma table de travail.

Passeur de sens. – Pendant que je regardais son tableau, Robert m’a raconté une émouvante histoire évoquant les liens d’une petite fille avec un corbeau, qui a marqué à l’époque (ma toile date de 1986) l’apparition d’oiseaux dans sa peinture. Or cela me touche de penser que le rêve éveillé du jeune garçon aux oiseaux se trouve lié aux visions poétiques de Günter Eich, l’auteur de la nouvelle en question, remarquable écrivain expressionniste autrichien hélas peu traduit en français mais dont l’œuvre est marquée au sceau du tragique contemporain et de la révolte contre l’infamie - inscrite dans la restauration lyrique et critique de la langue allemande d’après-guerre.
« La main aveugle qui, amoureusement, sent une fleur à tâtons, la voit mieux que l'œil qui enregistre des jardins entiers dans l'indifférence »,écrivait Günter Eich, ou encore :« Les images passent et la douleur demeure »…

Et c’est à cette phrase du grand philosophe juif aussi proche du Christ que l’était la Juive Simone Weil, à deux mille ans de crucifixions invoquant parfois le nom du Christ pour justification, à cette agonie sans fin de l’homme crucifié à travers le monde que m’a confronté soudain cette autre peinture de Robert Indermaur dont j’ai su, tout de suite, qu’elle m’accompagnerait elle aussi…