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Feux d’artifices

Publié le 21 mai 2008 par Frédéric Romano
- Moi : Au rond point tu prends à droite…
- Ma Mère : On est déjà venu ici non ?
- Moi : Ha bon ? Quand ça ?
- Mon Père : Hum… en 1985, chez Maître Carnois…

J’ai cinq ans, presque six. Je suis assis sur une chaise en bois dans le cabinet d’un avocat, rue américaine, à Bruxelles. Mon frère est à côté de moi, on se donne des petits coups de temps en temps. À chacun de nos gestes, les yeux de ma mère se tournent très rapidement en notre direction. Nous savons alors qu’il faut arrêter, se calmer, être sage. On ne tient pas bien longtemps. Ces chaises sont trop durs, on a mal aux fesses. On regarde autours de nous, on étouffe des petits rires, on se calme et puis on recommence. Mon frère balance les jambes sous son siège. Je fais de même. Je l’imite et ça nous fait rire.

Papa et Maman font face à cet homme sérieux, bien coiffé, bien habillé. Mon père a une chemise et un pantalon brun assez large dans le bas des jambes. Nous sommes en mille neuf cent quatre vingt cinq. Ma mère porte un chemisier blanc et une jupe noire. L’avocat consulte les comptes et additionne les dettes. Il se veut rassurant mais précise que ça ne va pas être simple. Il faudra quelques années, peut-être plus de dix ans pour tout rembourser. Mes parents savent que ça sera difficile. À chaque nouvel élément additionné, mon père claque des ongles, il regarde ses mains et acquiesce discrètement. Ma mère nous guette d’un œil, elle additionne au dessus des mains de l’avocat, elle regarde mon père, son visage, puis ses mains, puis son visage… une femme voit tout en même temps paraît-il…

Tout est propre dans le cabinet de cet avocat, tout est net. Il y a des plantes et des pots partout. Mon frère ne veut plus jouer, je dois m’amuser seul, imaginer un truc. Je mime des deux mains des boules qui rebondissent. Elles s’entrechoquent, je trouve ça joli. Puis je me rappelle de quelques jours auparavant. Nous vivions à Bruxelles et nos parents nous avaient amenés au feu d’artifices du vingt-et-un juillet. J’avais adoré. De mes deux mains je commence alors à mimer le décollage des fusées puis leurs explosions dans le ciel, en ouvrant tout grand les mains et en les faisant vibrer. J’imite les bruits des détonations puis je rigole. Je ne remarque pas que plus personne ne parle. Mon père, ma mère et l’avocat sont tournés vers moi. Je lève la tête et je regarde l’homme bien habillé. Je lui sourit et il éclate de rire. Quelques secondes plus tard, tout le monde se met à rire…


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