La vie cadeau

Publié le 07 septembre 2014 par Jlk

(Dialogue schizo)

 

Rencontres au Livre sur les Quais. Littérature nouvelle à L’Âge d’Homme. Pilloud et la dormeuse. Max et Julien. Nos voisines de palier. Que JE est les autres…

 

Moi l’autre : - Ce qu’on peut dire c’est qu’on est « décu en bien », selon l’expression  des Dames de Morges…

 

Moi l’un : - Cette expression m’a toujours fasciné : c’est le nec plus de l’esprit vaudois, champion de la litote et de la malice du populo en terre occupée. Notre mentalité a été forgée par l’occupation bernoise. Merci à leurs Excellences ! Quant aux Dames de Morges, qui incarnaient jadis le moralement correct genre darbyste, elles parlent comme le peuple en nos contrées même quand elles se montent le collet. Voir Gens du lac de la camarade Janine Massard, ce magnifique tableau évoquant l’Occupation allemande d’en face et ses échos en nos contrées…

 

Moi l’autre : - C’était cool d’entendre, hier, JLK parler en italien à la radio tessinoise, avec Anne Cuneo et Max Lobe…

 

Moi l’un : - C’était coolissime, pour parler comme JLK quand il singe les youngsters. Surtout que Giorgio Thoeni avait bien préparé sa présentation des trois livres...

 

Moi l’autre : - Le Milou, comme Max appelle JLK avec son insolence de créature de la forêt, en a profité pour rappeler que c’est à Morges, précisément, qu’il a rencontré Max Lobe pour la première fois, avant de l’accompagner dans la composition de 39, rue de Berne. Et maintenant, le Maxou fait sa star sur les quais sans perdre de son bon naturel ni de sa lucidité de fils de sa mère. La Trinité bantoue est un autre sacré bouquin !

 

Moi l’un : On a bien aimé, également, ce qu’Anne Cuneo a raconté sur son dernier livre, où il est question de ce Tessinois qui fait fortune à Londres…

 

Moi l’autre : - Cette Suisse oubliée de nos immigrés vaut d’être redécouverte !

 

Moi l’un : - Et comment ! D’ailleurs j’ai senti que JLK avait envie de la ramener avec ses deux grands-pères, tous deux montés en grade dans l’hôtellerie, l’un à Paris et l’autre à Moscou, pour finir au Caire où leurs familles ont commencé de frayer avant de se mélanger…

 

Moi l’autre : - Ces doux mélanges sont le sel même de la vie !

 

Moi l’un : - Et les livres sont là pour le rappeler, non tant par devoir que par bonheur de mémoire.

 

Moi l’autre : - La vie c’est vraiment cadeau, si tu en attends autre chose que du flafla…

 

Moi l’un : - C’est ce que j’ai senti que se disait JLK en observant la ruée des gens Douglas Kennedy disparaissant sous la grappe grouillante,  le seul constat s’imposant alors, et les médias suivistes ne retiendront que ça avec l’énorme envie rampante qui fausse tout en la matière: que pour lui « ça cartonne »…

 

Moi l’autre : - Tant pis ou tant mieux ? Tu ne vas quand même pas dire que l’insuccès est le rêve d’un écrivain qui se respecte ?

 

Moi l’un : - Absolument pas ! Et d’ailleurs JLK a été le premier à se réjouir du phénoménal succès de Joël Dicker, après avoir apprécié son livre bien avant la ruée du public et des médias suivistes. Mais de quoi parle-t-on ?

 

Moi l’autre : - Parlons de livres et de vraies rencontres…

 

Moi l’un : - De fait, on peut être agoraphobe comme le pauvre JLK, et tout de même y retrouver son compte, recontsruire sa« cabane », sa sphère immunitaire dans le tapage et l’agitation. Le premier moment du processus, en l’occurrence, a été la rencontre de JLK avec son voisin de droite Julien Bouissoux, et ensuite avec son livre, Une autre vie parfaite.

 

Moi l’autre : - Tu as aimé ces nouvelles toi aussi ?

 

Moi l’un : -  J’en ai raffolé de part en part. En général, JLK  les notes de 0 à *****, comme les hôtels. Les nouvelles complète d’Alice Munro culminent entre *** et *****, rarement au-dessous. Sur les neufs récits d’Une autre vie parfaite, JLK a noté deux fois *** et sept fois ****.

 

Moi l’autre : - Aucune***** ?

 

Moi l’un : - Non,pas encore : faut pas pousser. On n’est pas encore dans la densité extrême d’un Paul Bowles ou d’une Flannery O’Connor, mais la justesse d’observation, la finesse de l’écoute de ce vrai médium, l’intérêt constat des thèmes qu’il traite et la justesse sans faille de son expression sont exceptionnelles. Ce type a un potentiel rarissime, comme d’ailleurs le Maxou dans un tout autre registre, mais il est le premier à savoir (et à dire) que ces nouvelles annoncent quelque chose plus qu’elles ne concluent.

 

Moi l’autre : - Moi celle que j’aime le plus est Ma prunelle.

 

Moi l’un : - C’est la plus Munro de toutes, et je sais que c’est ce genre d’histoires que JLK va raconter dans La vie des gens, son recueil en préparation. Le thème d’Alice Munro est : ce que la vie a fait de nous à travers les années. Et Julien Bouissoux dit ça merveilleusement dans Ma prunelle, récit d’une fille moche qui raconte son premier amour pour un type, un peu gauche à l’époque, devenu quelqu’un au cinéma. Tout ça dit en fines brèves phrases extraordinairement précises, limpides et pleines de blessures non dites. Mais quand on chiale,dans les nouvelles de Julie Bouissoux, comme le voiturier dans la plus mystérieuse de ces histoires, à Los Angeles, intitulée Valet parking, on chiale sec.

 

 Moi l’autre : - Andonia avait l’air de se réjouir que ce livre plaise à JLK…

 

Moi l’un : - Y a de quoi, et moi je vois en Julien, comme en Dunia Miralles et en Olivier Sillig, dont j’ai commencé ce matin le roman noir, en Philippe Testa, en Antoine Jaquier et en Jacques Tallote – tous deux absents -, entre autres, un réel renouveau de L’Âge d’Homme qui ne peut que réjouir les vieux sangliers à la JMO ou à la JLK…  

 

Moi l’autre : - Tu crois que JLK va se convertir, pour autant, à la cuisine végane ?

 

Moi l’un : - Pas avant d’avoir mangé Snoopy, mais qui sait ?

 

Moi l’autre : - Ce qui est sûr, c’est qu’on le retrouve cet après-midi au Mont-Blanc pour une table ronde sur le thème Je est un autre, à 16h.30. Il y sera question d’autofiction, de carnets intimes et autres marges de la fiction...

 

Moi l’un : - Et je sens que JLK va se poser en défenseur farouche de la fiction. Mais en attendant, il faudra qu’il raconte Pilloud et la dormeuse dans ses carnets…

 

Moi l’autre : - Deux histoires à la Munro-Bouissoux. Ce que la vie a fait de nous, ainsi de suite. Pilloud, d’abord…

 

Moi l’un : - Hier après-midi, sur les quais, se pointant à la table de JLK, les yeux fixés sur lui. Se présentant : Michel Pilloud, de la classe de 

Mademoiselle Chambovey, Chailly sur Lausanne, 1954-55.

 

Moi l’autre : - Pilloud avait repéré le nom de JLK. Celui-ci ne l’a reconnu qu’au nom déclaré…

 

Moi l’un : - Et là c’est le flash, soixante ans aprés, merde ! Cette tête de souris douce, ces yeux perçants, ces sourcils en circonflexe, les mêmes tifs mais tout blancs, ce sourire de la photo de classe, putain de souvenir précis comme une gravure. Et tu sais la mémoire de mammouth de JLK : tout de suite le son de sa voix, et le souvenir de lui-même sur la photo, en pantalon court qui lui fout la honte (sa mère n’a pas les sous pour du long), tenant à deux mains sabretelle en geste de timide…

 

Moi l’autre : - Lesdeux vioques ont deux filles, Pilloud a été véto pendant quarante ans mais lebétail se faisant rare il a bâché. Ainsi de suite. JLK, en rupture de stock deson chef d’œuvre immortel, prend son adresse pour lui envoyer Le pain de coucou où il raconte leursenfances et la mort de Toupie, leur camaradefauché par la leucèmie – lesouvenitr de sa table vide dans la classe de Mademoiselle Chambovey…

 

Moi l’un : - Etensuite  la dormeuse. Une heure aprèsMichel Pilloud, juste après avoir fourguéL’échappéelibre à son prof de philo du Gymnase de la Cité (il lui évoque Maveric et leurs échanges dans les coulisses de Facebook), voilà donc que se pointe cette Jacqueline, à peu près son âge, qui prétend qu’elle a dormi une nuit avec JLK, quand ils avaient cinq ou six ans !

 

Moi l’autre : - Le pompon, vu que JLK ne se rappelait nib de rien !

 

Moi l’un : - Elle lui a parlé de sa tante Madeleine instite, qui lui aurait rappelé une nuit passée entre enfants dans ce chalet de pierre des Ormonts, mais pour lui c’est le trou noir et ça l’étonne vu qu’il se rappelle l’année 1953 comme d’hier,quand l’incendiaire Gavillet courait les campagnes alors que la smala séjournait dans le Jura, du côté de Montricher…  

 

Moi l’autre : - Mais la bonne dame s’intéresse à autre chose : à la littérature romande, dont elle voit que L’échappée libre parle pas mal. Donc c’est parti pour la dédicace à Jacqueline, à laquelle JLK enverra aussi son Pain de coucou que le susnommé Maveric,seize ans et la culture d’un dinosaure, détailles ces jours du côté du Ballon d’Alsace…

 

Moi l’un : - Et JLK qui dit agonir les salons du livre, et que d’ailleurs celui-ci sera le dernier, et que je t’en fous !

 

Moi l’autre : - On connaît ces définitive déclarations ! Et la vie te rattrape !

Moi l’un : Tant mieux que la vie nous rattrape ! Même qu’elle nous dépasse c’est encore cadeau !