Dombasle, le 14 septembre 1914
Chère et bonne Cécile
Comme tu es gentille et combien tes prévenances sont judicieuses. Seulement en me gâtant comme tu le fais, tu me charges comme un mulet
Mes souliers, malgré le délai très court dont tu disposais, me sont arrivés hier, mais j’ai eu des transes à ce sujet. Les brodequins neufs dont je t’avais parlé ne m’allaient que d’un pied et bien que la chose soit futile en apparence, j’étais très tourmenté car la petite marche que nous avons faite pour rejoindre Dombasle m’avait plus fatigué que n’importe quelle marche faite jusqu’à ce jour.
Aujourd’hui, je nage, je nage même dans la joie : est-ce à cause des souliers, des bonnes nouvelles ? que sais-je ?
Ne te désole pas du changement qui s’opère, d’abord ce cauchemar de Nancy envahi qui m’obsédait, est disparu. Ensuite, est-ce pour nous reposer ? nous n’allons qu’aux environs de Toul pour protéger la ceinture (ça ne sera donc pas dangereux). Je ne serai donc pas beaucoup plus éloigné de toi et cela me rapprochera peut-être de Robert. Nous partons à midi, tout le régiment en auto, c’est je crois une gracieuseté du Gal de Castelnau, les autres régiments traverseront Nancy aussi, mais à pied.
Si je pouvais te voir, … mais ce sera sans doute rapide ce passage sur plusieurs centaines d’autos. Nous quittons Dombasle à partir de midi.
Tu vois, je me sers du stylo, encore une attention. Dès mon arrivée, je te préviendrai.
Mille, mille baisers
J.Druesne
As-tu reçu mes 100 francs et le sabre ?
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14 septembre 1914 (JMO du 37e RI)
4 Sections d'automobiles de transport sont rendues à Dombasles pour 14h au lieu de 12h. Le régiment à l'effectif de 35 officiers, 2650 hommes de troupes est chargé et part vers 16h15 pour Bauvron ou il arrivera à 21h15 sans aucun incident.
Les T.C. Section de Mitrailleuses, chevaux de selle ont fait mouvement par voie de terre et sont partis de Dombasles à 5h.
"Historique du 37e régiment d'infanterie. France. 1914-1918" Le 14, le régiment est transporté en Woëvre, où le 20ème C. A. doit se concentrer pour partir de là à la poursuite. Il y reçoit de précieux renforts composés surtout de territoriaux et de jeunes engagés, volontaires les uns et les autres et brûlant du désir de prendre leur part des dangers des champs de bataille et d’y glaner de la gloire. “ Vieux pépères ” et “ jeunes bleuets ” furent admirables, ceux-là avec leur froide bravoure, ceux-ci avec l’ardeur insouciante et la foi de leur jeunesse.