Un texte écrit en juin, retrouvé sur mon ordi. Je n'arrive plus à me souvenir si j'ai écrit la version française ou anglaise en premier, peut-être les deux en parallèle. Les images sont aussi de moi (la première sur Photoshop, la seconde à l'aquarelle).
Je me dis que parfois, ce ne sont pas les bons moments qui tissent nos liens avec ceux qui nous entourent. Bien sûr, plus il y en a, mieux on se porte, mais lorsque je regarde en arrière, certains de mes plus beaux souvenirs sont de moments au goût amer, douloureux, voire déchirants, partagés avec mes proches.
Il restera toujours au fond de mon cœur une place privilégiée pour les nombreuses heures passées avec mon petit frère à jouer avec notre chienne dans le jardin, à essayer de lui apprendre des tours de cirque, ou encore à la promener au parc les samedis. Mais ces souvenirs ne sont pas seuls ; il y a aussi la nuit où, main dans la main sur son pelage, sentant ses efforts à chaque respiration, nous lui avons soufflé qu’elle pouvait fermer les yeux. Et au bout d’un moment, mon petit frère d’un mètre quatre-vingt-cinq lui a dit de se reposer, qu’on la verrait le lendemain ou au ciel, et nous lui avons souri et sommes sortis de la pièce et il m’a serré fort dans ses bras et m’a laissé pleurer toutes les larmes de mon corps. Et je pleure en écrivant ces lignes, mais cela reste un beau souvenir.
Je me souviens des après-midis passés à jouer aux barbies avec mon amie Clo, ou les pauses déjeuner aux fourneaux dans mon appartement pendant que Tina faisait la vaisselle, mais je me souviens aussi d’avoir serré Clo dans mes bras à l’enterrement d’un de nos amis d’enfance, et l’origine de la tradition des déjeuners chez moi, qui a commencé quand j’ai parlé de la mort de ma cousine à Tina, qui n’était alors qu’une connaissance, et qui n’a pas voulu me laisser seule.
Je me souviens d’avoir ri, puis pleuré, avec mon père lorsqu’il m’a dit qu’il continuait à se retourner sur la fenêtre du quatrième étage en quittant l’immeuble où vivait ma grand-mère à Montmartre, celle où elle attendant de nous voir disparaître au coin de la rue. Et à chaque fois que j’y retourne, encore aujourd’hui, je regarde par-dessus mon épaule et ma main me démange de lui faire signe.
Je me souviens des nuits interminables passées à discuter avec ma compagne de chambre quand elle avait des problèmes avec un garçon. Malgré le sommeil qui me narguait, je la laissais s’épancher et faisais de mon mieux pour ne pas lui donner trop de conseils dont je savais qu’ils ne l’aideraient pas. Et puis tout le temps passé à se chamailler sur tout, au point que tout le monde dans la résidence croyait que nous ne pouvions pas nous sentir, et le bonheur lorsque je reçois un message de sa part intitulé « bitch » ou « salope ». Et je me souviens de l’irritation et du soulagement que j’ai ressentis lorsque j’ai découvert qu’elle n’avait pas disparu en rentrant seule de boîte – elle était simplement allée acheter des bonbons. À deux heures du matin. Et au final, oui, même celui-là est un bon souvenir.
Je me souviens que ma mère était à mes côtés pour chaque examen, chaque prise de sang quand personne ne savait exactement ce qui n’allait pas, et aussi quand un docteur mal inspiré nous a donné un diagnostic angoissant sans plus d’information. Elle a lu des tonnes de livres et d’articles et a trouvé des solutions et maintenant je vais mieux, en bonne partie grâce à elle.
Je me souviens de la peur qui m’étreignait quand j’ai pris mon courage à deux mains et demandé à mes parents de me retirer du lycée pour que j’étudie à la maison, en leur expliquant à quel point je me sentais mal à l’école, pour la première fois sans masquer ma détresse derrière des j’en-ai-marre adolescents. Moins de peur mais j’étais quand même nerveuse quand je leur ai annoncé que je voulais prendre une année sabbatique et voyager seule. C’étaient des conversations difficiles à engager, et ce sont deux des meilleures décisions de ma vie, qui m’ont valu des souvenirs merveilleux.
Les moments difficiles nous façonnent tout autant que les bons moments. Pour autant, pas de raison de s’en réjouir ; ce que l’on perd forme comme un vide en nous, et bien sûr on aurait souhaité que cela ne se passe pas comme ça. Ce n’est pas l’histoire que nous aurions aimé raconter. Mais nous ne pouvons rien y changer. Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous entourer de personnes qui sont à nos côtés dans ces épreuves – pas pour nous sauver ou arranger les choses, mais simplement pour ressentir la douleur avec nous et nous montrer que nous ne sommes pas seuls.
Sometimes what links us to other people isn’t the good times. Sure, you want as many of those as you can get, but looking back, some of my best memories are of bittersweet, sad, even agonizing moments that I shared with a loved one.
There will always be a fond place in my heart for all the times my little brother and I played with our dog in the garden, trying to train her to do circus tricks, and walked her around the park on Saturdays. But right next to them is the night we held hands over her while she fought to breathe, and told her it was okay to close her eyes. And after a while, my little, six-foot-two-tall brother told her to rest and that we’d see her in the morning or in heaven, and we smiled at her and left the room and he took me into his arms and let me cry my heart out. And I’m crying just writing about it now, but that’s still a good memory.
I remember the afternoons spent playing barbies with my friend Clo, or the lunches I cooked at my apartment while Tina washed the dishes, but I also remember hugging Clo at one of our childhood friends’ funeral, and how the lunch tradition started when I told Tina, a mere acquaintance at the time, about my cousin’s death and she didn’t want to leave me alone.
I remember how I laughed, then cried, with my dad when he told me how he still looked back at the fourth story window when he left my grandmother’s old building in Montmartre, because she always waited to see us disappear down the street, and every time I go back to this day, I still feel like turning around and waving at her.
I remember endless nights talking with my roommate when she was having trouble with a guy, wishing I could just sleep but letting her talk it out anyway, and trying my best not to give too much advice that I knew wouldn’t help. And bickering with her so much over so many things that everyone in the house thought we hated each other, and being glad to receive a message from her titled “bitch” or “salope.” And I remember how pissed off and relieved I felt when I found out that she’d been at the convenience store when I thought she’d disappeared on her way back from a club alone – she’d just gone to buy candy. At two in the morning. And yeah, even that is a good memory in the end.
I remember my mom being there for every exam and blood test when no one could figure out what was wrong with me exactly, and when an ill-inspired doctor gave us a diagnostic that frightened me. She read tons of books and articles and came up with solutions and now I’m getting better in good part thanks to her.
I remember how terrified I was when I summoned the courage to ask my parents to put me out of school and let me study from home, and to tell them how horrible I felt at school, for the first time without masking my distress behind adolescent I’m-sick-of-it attitude. And much less afraid but still nervous when I told them I wanted to take a gap year and travel on my own. Those were hard conversations to start and they were two of the best decisions I’ve ever made, with great memories to boot.
The bad times shape us as much as the good. It doesn’t mean that we like it, that we don’t feel the loss like a hole inside, that we don’t wish things had gone differently. It’s not the story we wanted to tell. But we can’t change it. All we can do is try to surround ourselves with people that are there for us in these times – not to save us or fix things for us, just to feel the pain with us and let us know we are not alone.