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Tu n'aurais jamais dû

Publié le 20 septembre 2014 par Sabledutemps @YvDG

 Il l’avait suivie jusqu’à la cabane de pêcheur, insouciant, joyeux, empressé à l'idée du plaisir à venir.

Elle regardait par l’étroite fenêtre, la vue portait loin vers les dunes embrumées.

Elle se retourna, s’approcha de lui et murmura en prenant bien soin de ne pas marcher sur le plastique qui recouvrait le tapis :

“ Tu n’aurais jamais dû ... ! Tu n’aurais jamais dû ... 

... Tu n'aurais jamais dû me considérer comme une potiche que l’on déplace d’une étagère sur une autre, une chose sans importance, juste un objet de plaisir à disposition pour meubler tes moments de loisirs, de liberté.

Tu n’aurais jamais dû prononcer tes mots gentils qui ne le sont pas, tes paroles enjôleuses pleines de venin.

Tu n'aurais jamais dû proférer tes moqueries continuelles pour assouvir ton inextinguible besoin de cruauté.

Ton incommensurable orgueil te persuade que tu es le plus intelligent,  le plus séduisant le plus drôle des hommes sur terre, le nouveau Casanova à qui aucune femme ne résiste …  il se trompe, tu l'as cru, il t'écrase et te perd.

Toi qui affirmes que je n’ai aucun talent, regarde-moi, je te sculpte, te peins, te redessine. Le rouge en gouttelettes te sied à merveille ! ne suis-je pas l’artiste et toi, l’éphémère chef d’oeuvre ?

Qu’ai-je été pour toi ? une ombre ? Ta couardise t’a toujours empêché de me laisser vivre au grand jour ? eh bien l’ombre a envie de lumière, de clarté !

  Oh ! très cher, ne te démène pas ainsi. Ne sont-ils pas mignons ces petits rubans bleus autour de tes poignets ?  J’ai choisi bleu, c’est pour les garçons, toi si fier de ta virilité, tu devrais être content, je te gâte. "

Il l’avait supplié  :

- “ arrête ça, détache-moi, déconne pas ... je plaisantais, allez désolé, mais merde, j'veux pas crever pour tes conneries. “

Sourde à ses jérémiades, elle  avait repris sa litanie qu'elle récitait tel un mantra, d'une voix sans timbre :

- “ Tu n’aurais jamais dû, tu n’aurais jamais dû, tu n'aurais jamais dû ...  “  

et poursuivi son minutieux travail de dentelière :  chaque nouvelle entaille lui zébrait le corps de part en part. De la belle ouvrage !

La lame fine et brillante, avait frôlé la gorge, il avait hurlé, elle avait souri.

- " Pas très convaincant ton discours, toi le faiseur de bons mots à l'humour ravageur, je t'ai connu plus disert, plus spirituel  ! Tu peux crier, personne ne t’entendra, ton amour-propre ne craint rien, tu ris moins mon doux amour ! "

Les yeux exorbités et le regard fou, il avait sombré dans la démence et l’oubli.

- " Sois sage, je reviendrai ce soir. "

Elle avait refermé la porte et marché de longues heures. L’air vivifiant du large emplissait ses poumons, clarifiait ses idées. Elle se sentait merveilleusement bien, en accord avec elle-même, l’esprit léger, libre et plus vivante que jamais.

...

Journal local en date du  14 04 14 rubrique fait divers :

  

Vertbois

...

P.S. : merci aux mouettes de la plage de Domino à Oléron pour leur participation ( ce jour-là il faisait un temps splendide ) et à Francis Bacon, via Google,  qui m'a gracieusement prêté son personnage ( ou ce qu'il en reste ! ! ! )


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