Je précise que j'ai repris le texte tel quel, sans rien y changer, sauf le Karl à la place du Marc car je m'étais passablement gourré de prénom.
lLa pompe à vélo n'était pas là. Regardant d'un air déçu et désemparé la roue avant de son vélo, Karl pestait contre cette idée idiote d'avoir voulu se "faire une promenade de santé", alors que le ciel était lourd et sa tête aussi
Il emboucha la valve et se mit à souffler. Tel un forcené à l’attaque du mont Ventoux. Bientôt, il manqua de souffle et sa tête se mit à tourner. Tourner. Tourner. Le paysage, tout autour de lui défilait tel un mauvais décor dans un mauvais film. Il sentait ses jambes fléchir et son cœur s’accélérer. Il sentait…
...Il sentait au travers de ses alvéoles pulmonaires sur-oxygénées que le monde prenait une couleur rouge sang. Ses yeux voulaient sortir de leur logement. Sa langue commençait à grossir de façon démesurée. Son ventre...
…son ventre ressemblait à ces ballons de baudruche que l’on trouve dans les fêtes foraines. Il chancela et perdit l’équilibre. Au bord de la route, seul et dramatique, Karl se métamorphosait. Se métamorphosait en quelque chose d’horrible. Et il n’y pouvait rien. Rien si ce n’est…
..rien si ce n'est de tenter de vider de son air, qui entrait dans son corps sans vouloir en sortir. Tel un crapaud qu'on ferait fumer, il était près d'éclater.
Anna… Anna, elle, elle aurait su quoi faire. Elle avait toujours de bonnes idées. De ces idées simples, sans commentaires. De ces idées neuves dont il aimait à s’abreuver. Seulement voilà, elle n’était pas là. De bon matin, elle avait chargé la camionnette et pris la route de la ville. Si tout se passait bien elle serait de retour avant la nuit. Mais d’ici là…
Mais d'ici là, il devait se concentrer sur le chemin caillouteux.
Anna...Anna, sa silhouette gracile, ses longs cheveux roux soyeux, ses splendides yeux verts et ses 20 ans...
20 ans, le double de son âge !
C'est un peu pour elle qu'il avait décidé de se remettre au sport, qu'il avait décidé de faire cette "promenade de santé", histoire de perdre les poignées d'amour qui avaient commencé à s'installer depuis 3 ou 4 ans.
Anna, elle était si belle et lui, il se sentait si moche. Comme un chien perdu sans collier. Une bouée en plein naufrage. Plus jeune, il en avait connu, des comme elle. De gentilles filles, toujours prêtes à rendre service. Il en avait même aimé quelques unes. Mais là, c’était différent. Depuis qu’il l’avait rencontrée, il se sentait revivre. C’était elle qui avait eu l’idée de faire les marchés, elle aussi qui lui avait appris à traire les chèvres. Anna… Zora. Il l’appelait comme ça à cause de ses cheveux roux. Souvenir d’un vieux feuilleton qu’il regardait autrefois. Un feuilleton dont elle n’avait jamais entendu parler.
Zora la rousse…
Le fait qu'elle ne connaisse pas Zora la rousse, lui faisait toujours prendre conscience de leur différence d'âge. Il se sentait parfois comme un vieux con, un vieux pervers attiré par la chair fraîche.
Il aimait son côté bohème, sa peau blanche contrastant avec ses cheveux teints au henné et parfumés à l'encens.
Il se souvint du premier jour où il l'aperçut pour la première fois.
Anna est si belle qu'il n'a pas su lui résister très longtemps.
Il se rappela de leur 1ère rencontre : c'était il y a 2 ans chez son ex femme : Marie. Anna gardait leur petit garçon le mercredi. Les parents d'Anna étaient éleveurs de chèvres et ne parvenaient pas toujours à finir les fins de mois. Anna pour les aider, cumulait les petits boulots : serveuse au macdo du coin le week end, et babysitter le mercredi.
Penser à Anna pendant qu'il grimpait la côte, lui fit un bien fou.
Il sourit en repensant aux premiers mots que lui prononça Anna...
Que prononça Anna : "tu vas pousser ta caisse de merde, connard ?!"
C'était un matin de pénurie, de grève, de blocus quelconque de routiers, de marins-pêcheurs, de chauffeurs de taxi, bref, une journée de merde sous un gouvernement de droite. La routine quoi.
Il essayait avec peu d'espoir, comme les 20 voitures qui le précédaient et les 40 qui le suivaient, de trouver un peu d'essence pour pouvoir aller aux champignons. Il avait plu la veille, et le beau temps du jour annonçait une floraison de cèpes et autres bolets qui n'allaient pas manquer de se fourrer dans le croupion d'un poulet bien fermier pour y mijoter accompagnés d'ail et de persil. [Marc]Karl était perdu dans ses pensées culinaires (et non pas cunilères, attention à la nuance), quand la voiture de devant avança de quelques centimètres et il oublia d'enclencher la première.
La phrase d'Anna résonna dans sa tête et fit s'envoler tous les champignons qu'il avait rangés dans son cerveau gourmand.
Il était sorti de sa voiture et s'était approché d'Anna...
Il était sorti de sa voiture et s'était approché d'Anna...
elle lui souriait, elle l'attendait et était heureuse de le voir enfin. Elle se mit en tête de lui faire oublier toutes ses petits tracas et sa grosse gamberge sur leur différence d'âges. Elle était d'humeur douce et câline et se sentait invicible de séduction.....
Karl va t'il s'approcher davantage?
Anna conduisait une DS blanche et rouillée.
Il prenait bien deux têtes à Anna. Elle semblait toute petite, toute frêle, toute fragile. Comment des propos aussi insolents avaient pu sortir de cette bouche cerise aussi pure ?
Karl pris un air penaud et s'excusa de son inattention.
"Pardonnez-moi, mais il me semble que nous nous sommes déjà croisés quelque part"
"...Tu vas pousser ta caisse de merde connard !?!"
Coincé dans le trafic, Anna impuissante se mit à se poser des questions métaphysiques de toutes sortes : "Pourquoi y a t-il deux poids, deux mesures ? Pourquoi ce qui prévaut dans un cas, ne l'est plus dans un autre cas pourtant bien similaire ? Pourquoi l'idéaliste met bien souvent ses convictions dans la poche de son pantalon qu'il baisse de ce fait ? Pourquoi l'individu est rarement à la hauteur de ses paroles ? Est-ce là, la différence entre l'activiste et le bobo ?" Soudain, un klaxon strident arrache Anna de ses questionnements et...