1er octobre 1914 !
Ma bonne Cécile
Au fond d’une tranchée qui ne me permet que d’admirer un magnifique ciel bleu, sillonné parfois d’aéros des deux nations, je t’écris ces mots qui doivent, si ma joie est communicative, rayonner à tes yeux.
En effet à dater de ce jour, une obsession sans nom doit cesser. Tu as compris que je voulais parler de ma retraite. La situation est changée puisque mes douze années de service à Maréville me donnent droit à la retraite proportionnelle à laquelle les démarches que nous serons également en droit de tenter, permettront d’ajouter les services militaires. Avant même hier, ces droits n’existaient pas. Ces jours derniers, je te l’ai dit, j’étais favorisé, j’étais en arrière. Aujourd’hui, je reprends ma place mais j’ai lieu de supposer que l’on va accorder un repos bien mérité au régiment et le réorganiser sous le rapport des gradés.
Je reprends, dis-je, ma place, avec la sérénité dont je ne jouissais plus depuis quelque temps et, je te le répète ma chérie , j’en éprouve une grande joie.
Plus tard, c’est-à-dire quand je disposerai d’un moment de tranquillité, je commencerais mes démarches en vue d’être autorisé à faire compter mes années de service militaire, mais rien ne presse puisque, encore une fois, les droits, c’est-à-dire la durée de ces services est acquise.
Ici l’état est stationnaire, ou presque, il y a progrès mais très lents. L’ennemi aux dires des prisonniers est très fatigué. Je pense qu’une affaire décisive sera tentée sous peu. Quoi qu’il en soit, suivant la théorie admise, nous gagnons du temps, et paraissons, c’est gagner des batailles.
En attendant les plus à plaindre sont les pauvres paysans dont le pays est le théâtre de ces horreurs, et c’est dommage, car ce pays est vraiment riche. Peu d’usines, mais des terrains de culture magnifique. Tout cela est dévasté et si ce manège continue, c’est-à-dire si on les fait reculer aussi lentement, ils vont dévaster tout le nord de la France. Le succès sera au bout, c’est certain, mais à quel prix !
On m’appelle, je terminerai cette lettre plus tard.
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Rien de noté au 1er octobre 1914 dans le JMO du 37e RI !