Presque normal... c'est ce que nous essayons d'être.

« Presque normal », c’est ce que nous essayons d’être. Irrésolu parce qu’irréfléchis face à l’expérience des difficultés émergeant de la pluralité d’identités strictement conventionnelles et dont les conséquences concernent directement la totalité de notre vie à venir – celle que nous pensons désirer construire, et dont la représentation associée à un bonheur régulier et une intégration sociale excellente nous enchaîne à un ensemble de sacrifices incommensurables, dont les conséquences sur notre rapport au monde sont globales. Presque normal, c’est que ce nous essayons d’être. Conscient de ne pouvoir se satisfaire entièrement de cette logique qui au de là de l’instrumentalisation de notre existence - jusque à la plupart de nos émotions, réflexes et conceptions- est aussi déréalisation de soi, frustrations profondes, que l’on ne pourra ni étouffer de labeur ni noyer de loisirs ou de drogues… Presque normal, donc. Presque, car nous savons quelque part en nous même, y compris d’une certaine manière, pour les plus aliénés et asservis aux conventions et normes qui encadrent leurs mondes, nous ne pouvons que sentir l’insatisfaction de se voir ballotter ainsi, de sentir ainsi sa vie se faire ordonner par d’autres, et qui puis est pour d’autres… Ainsi, nous continuons à vouloir être normaux, être perçu comme tel, par quelques-uns au moins. Ainsi nous persévérons à être normaux, c'est-à-dire à convenir aux normes qui sont exigés à ceux qui tiennent notre position – exigences non seulement évidentes et menaçantes de la part de ceux qui tiennent la position du supérieur, mais aussi relayé par tous, de toute part, plus ou moins discretement… Mais nous ne pouvons entièrement résoudre notre frustration sans tomber gravement dans une des névroses développées, encouragées et valorisées par l’accroissement et la maturation historique de l’esprit capitaliste – à moins, peut être, de se révolter, d’une façon ou d’une autre, sans illusions et sans risques de désillusions, mais poussé d’espoir et d’un désir construit. Mais puisque notre lâcheté, la niaiserie de nos vues ou la puérilité capricieuse, utilitaire et conventionné de nos rapports humains, mais puisque la soumission semble plus facile et plus confortable à la masse des suicidaires qui s’ignorent, puisque l’espoir de pouvoir jouer dans la cours des grands, avec pour jouet la vie des gens, puisque la résignation semble pouvoir ouvrir la voie à quelque joies – terrestres et privilégiés certes – mais seule compensation au sentiment accablant de l’absence de tout autre mérite à l’existence… Puisque la masse des humains dans les mains desquels reposent une très grandes part des responsabilités quant à l’avenir du monde – je veux dire ces humains dont la technicité mécanique globale et stablement croissante enveloppe l’ensemble de leurs rapports – puisque ceux-ci se sont résignés, il ne reste plus qu’a se faufiler au sein de cette masse ; et de trouver ces autres qui nous trouverons normaux parce que presque anormaux – ces autres capables de s’enrichir de nous et de nous enrichir parce que nous différons, que nous le savons, et que de là, nous apprenons enfin sur soi et sur ce que peut être l’autre. Avant cela, il y a peu de moyen de s’imaginer ensemble, nombreux, et intelligents – je veux dire tellement moins cons que tout mépris sera réfléchit et personnel, c'est-à-dire singulier.

Nous essayons tous d’être presque normaux ? Je veux dire : de nous normaliser en fonctions des différentes exigences évidentes ou cryptées, de manière docile ou presque, alors même que nous sentons que nous ne faisons là que nous avilir, et que les promesses pour lesquelles nous nous sacrifions ne sont peut être que des mythes justement issues du besoin de justifications à notre acharnement d’esclave zélé ?