Sailly au bois, 16 octobre 1914
Ma bonne Cécile,
Hier soir après le départ de ma lettre datée des 13, 14, 15 oct., j’ai reçu ta lettre du 30 septembre par laquelle tu m’envoies une dépêche envoyée par un aéroplane et annonçant un succès, plus deux cartes de Robert, l’une datée du 29 septembre, l’autre du 5 octobre. Toutes sont rassurantes, mais le pauvre gars paraît s’inquiéter de ce que tu n’as reçu que 40 sur mes appointements. Je te laisse le soin de le rassurer à cet égard. Il me dit qu’il a eu beaucoup de travail mais ne m’annonce toujours pas qu’il est médecin auxiliaire. Il a tort de ne pas faire les démarches nécessaires et plus encore pour obtenir le grade, ici des étudiants dans son cas et ayant bien moins d’inscriptions sont nommés depuis le commencement de septembre. C’est important, car outre la solde d’adjudant, il touchera une indemnité d’entrée en campagne de 150f , au moins je crois. Il devrait se remuer, là plus qu’ailleurs, les couillons seulement montent la garde. Il n’est pas possible qu’il ne puisse joindre le secrétaire du médecin-- chef et qu’il ne puisse lui glisser un mot. J’ai vu le fils du principal Boppe qui m’a dit que c’était une erreur ou une négligence si ce n’était pas fait.
Toujours même calme ici, on vient de découvrir dans un chemin fortement encaissées, plusieurs centaines de cadavres allemands en sus, du grand nombre que je vous ai signalé ces jours derniers, c’est le feu de l’artillerie qui les a surpris en rangs serrés et les a exterminés là, mais c’est l’odeur qui vient de nous faire découvrir, car je te le répète, nos hommes sont calfeutrés dans leurs tranchées nez à nez avec les allemands, et ni les uns ni les autres n’en sortent plus. Ils commencent même par s’y amuser en élevant leur sac au-dessus de leur tête et en agitant un fanion comme au tir à la cible, quand l’adversaire atteint le sac. Cependant le bruit de combats sérieux qui auraient eu lieu vers Arras nous sont parvenu tantôt.
Robert, me dit qu’il est à Martincourt, je suppose que c’est Martincourt vers Domèvre en Haye. S’il en est ainsi je n’en étais pas très éloigné quand j’étais au-dessus de Toul, d’où nous avons été embarqué, j’ai été à Manonville. J’ai même été à Manonville voir le château dont je t’envoie la carte, et dont le propriétaire le comte de Manonville, conseiller général, officier de cavalerie territoriale, s’est fait pincer, en le même château alors qu’il y était venu se promener à bicyclette étant en garnison à Toul.
Les journaux sont par trop laconiques et je n’ai pas su ce qui s’était passé à Saint-Mihiel où Robert, dans une carte précédente, me disait être cantonné.
Auraient-ils reculés ou du moins sa division ?
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16 octobre 1914 (JMO du 37eRI)
Stationnement dans les mêmes conditions que la veille. Renforceme,nt du front, construction d'un abri à la sortie D'Hébuterne pour le 1er bataillon en réserve. Relève de de la compagnie du 2e bataillon de chasseurs dont le front est occupé par la 3e compagnie du 37e.
Il est constitué d'une section franche par bataillon. Les chefs de ces sections sont sont les lieutenants Jausas, Brion, De Pouydragrin.