Elle n’était pas du matin. Elle ne l’avait jamais été et ne le serait jamais plus, le reconnaissant volontiers. Se lever chaque matin lui était pénible, non pas d’avoir à se sortir du lit car ses nuits n’étaient pas si profondes que ça, mais parce que l’épreuve la plus difficile de sa journée, comment le nier, aller devoir débuter.
Il lui faudrait se doucher et se maquiller, une opération qui l’occupait quotidiennement près d’une heure, montre en main. Pour supporter l’épreuve, elle procédait en deux temps distincts. D’abord la douche mais comme elle ne savait pas bien régler le mitigeur d’eau, soit elle était trop chaude, soit elle était trop froide, et elle pestait en se débattant dans l’étroite cabine, éclaboussant la salle de bain d’où une débauche d’énergie ensuite, à se sécher puis à éponger la flotte sur les murs et le sol. Venait alors l’opération de crémage, consistant à s’enduire le corps entier, de ce produit miracle sensé adoucir la peau et lui rendre son éclat envolé.
Epuisée par cette première mi-temps, elle s’était écroulée dans son canapé, un café à la main, pour suivre d’un œil distrait un talk-show débile diffusé chaque matin sur la chaine du service public, où un vieux beau grisonnant ponctuait ses commentaires de blagues tombant à plat et ne faisant rire que les stagiaires cramponnés à leur CDD chèrement acquis.
Emmitouflée dans son peignoir de bain, elle reprenait des forces avant de se lancer dans un ultime effort, le maquillage. Les pots, les tubes et les pinceaux, le matériel était prêt, il n’y avait plus qu’à. Mais devoir affronter sa glace chaque matin lui coûtait un peu plus à chaque fois. Les pommades et les crèmes n’y pouvaient plus rien, l’empire des rides et des affaissements de peau, gagnait du terrain d’heure en heure. Le combat devenait inégal, perdu d’avance.
Ruminant ces pensées démoralisantes, elle faisait durer l’instant où il faudrait s’engouffrer à nouveau dans la salle de bain.