papillon

Publié le 25 octobre 2014 par Modotcom

(dans ma tête chu belle de même)
samedi dernier je voulais être
un peu plus gisèle
un peu plus monica
je ne savais pas alors
que le lendemain
j'allais devenir une autre femme
ça ne s'est pas passé
chez holt ou ogilvy
mais sur bay street à toronto
vers onze heures du matin
le jour de mon
quarante-septième anniversaire
dans les deux derniers kilomètres
de mon demi-marathon
alors que deux fois auparavant
j'arrivais en marchant
juste avant de sautiller
jusqu'au fil d'arrivée
poussée par la vanité devant la foule
ou une amie qui me dépassait
j'ai cette fois-ci couru
alors que d'habitude
j'étais contente d'avoir déjà mis
dix-neuf mille mètres de course
dans mon corps peu athlétique
j'ai cette fois-ci parlé sans arrêt
me disant que deux mille mètres
c'était si court
deux fois moins que ce que je courais
à l'aube deux fois par semaine
j'imaginais ma cour vers six heures trente
quand je rentrais de la course matinale
en fait c'est une autre femme qui m'a parlé
je ne l'ai pas vue arriver dans mon rétroviseur
elle était derrière moi tout le temps
me disant de ne pas arrêter boire
avant le dixième kilomètre
ce qui m'amena non loin du douzième
dans un premier élan
c'est elle aussi qui plus tôt avait remarqué
le dix-septième kilomètre
en croisant l'élite revenir face à elle
et qui m'a dit que je n'arrêterais pas
ma deuxième fois
avant ce marqueur
c'est cette autre femme
qui a remarqué dans les dix derniers kilomètres
que je suivais de proche
le lapin du deux quinze
et elle me poussait lorsque je m'en distançais
cette femme me disait
qu'elle voulait me surprendre
que c'était mon anniversaire
et que pour ma fête
je me devais de réussir mon objectif
celui de finir en bas de deux heures vingt-cinq
et même deux heures dix-huit
puisque j'avais rajusté ma cible
quatre semaines avant le jour de la course
sentant que mon corps était trop à l'aise
avec l'allure que je lui imposais
si d'aventure
je me parlais ou me fouettais
j'abandonnais plus souvent qu'autrement
me trouvant peu valable
pour me rendre des comptes
déclarant forfait à mes propres exigences
me contentant de si peu de moi-même
dimanche en cette journée de fête
je ne me suis pas forcée
je me suis vue comme une autre
à qui je devais autant de respect
qu'à ceux que j'aime et que j'admire
je me suis vue arriver
comme une femme que j'aimais
je suis rentrée en deux heures quinze
je suis passée dans la cour des grands
ceux qui ne lâchent pas
ceux qui se dépassent
la médaille à mon cou
le jour de mon anniversaire
m'a donné un teint aussi beau
que celui de gisèle et de monica
j'ai depuis un aussi beau sourire
de magnifiques jambes
et une superbe poitrine
ce n'est pas chanel qui m'a rendue belle
c'est l'amour que j'ai eu
pour la moi devenue forte
je n'aurais pu souhaiter
grandir plus en beauté.