Tiens toi droit.
Publié le 28 octobre 2014 par Rolandbosquet
Je viens de voir une réclame à la télévision s’inquiétant de l’âge de mes oreilles. Ma première réaction est de répondre que, globalement, elles devraient compter autant d’années que mes artères. En réalité, cette question m’interpelle surtout sur l’état général de mon corps. Il vieillit. Toutes celles et tous ceux qui, comme moi, vivent cette redoutable expérience, savent bien que l’on court de moins en moins vite et moins en moins longtemps au fil des années, que la terre du jardin est de plus en plus basse, même si les mauvaises herbes ne sauraient profiter de la situation, et que la fatigue pèse plus rapidement qu’hier sur les épaules et sur les reins. Il n’en reste pas moins que, comme ces généraux d’antan si attachés à tenir "la" position, nous mettons toutes et tous un point d’honneur à garder toujours aussi droit ce tas de muscles, d’os et de viscères qui n’a que trop tendance à se courber. Les conseils de maintien n’ont jamais manqué. Ainsi les médecins d’avant-garde qui officiaient à l’époque baroque expliquaient-ils à leurs patientes et à leurs patients les meilleures positions à pratiquer ensembles pour donner naissance à coup sûr à un héritier mâle. Ainsi, bien que sous d’autres cieux mais depuis la nuit des temps, le kamasoutra recommande-t-il lui aussi les siennes pour atteindre immanquablement l’extase. Je me souviens toujours les admonestations découragées de ma mère au sujet de mes coudes sur la table. Et aujourd’hui encore maints magazines aux couleurs chatoyantes se font également un devoir de corriger nos mauvaises postures. Intrigués par tant de diversité, des chercheurs américains ont récemment lancé une grande étude. Il appert que se tenir le dos voûté agit négativement sur le rythme cardiaque et influe directement sur la pression artérielle. L’anxiété apparaît bientôt avec son cortège d’angoisses inexpliquées. La dépression s’installe, la libido part à vau l’eau et la pensée elle-même se dilue dans les méandres des neurones asphyxiés. Se tenir droit, au contraire, favorise une large et profonde respiration, participant ainsi à une bonne oxygénation du sang et du cerveau. Régulièrement stimulée, l’intelligence peut alors percer des œuvres d’aussi hautes futaies que celles des Michel Onfray, Philippe Sollers et autres Laurent Baffie. Se tenir droit permet également de voir plus loin et donc d’anticiper par exemple l’arrivée d’une belle-mère acariâtre ou d’un inspecteur des impôts trop curieux. Se tenir droit contribue surtout à améliorer l’estime de soi et, parfois, à gagner celui des autres. En un mot, grâce à cette éclairante étude scientifique d’outre-Atlantique, on comprend mieux pourquoi nos sommités gouvernementales se refusent tant à se pencher réellement sur les vrais problèmes. Il en va de leur santé physique et mentale et, surtout, de l’incommensurable dilatation de leur égo. Demeure toutefois l’affaire des déjections canines sur les trottoirs ! Comment les éviter tout en regardant droit devant soi ? On attend avec impatience la prochaine étude qui révèlera sans aucun doute la quintessente attitude à adopter en la circonstance. En attendant, le monde poursuit malgré tout sa course joyeuse vers son avenir radieux.
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