Quand un Lillois quitte son village, il ne quitte pas seulement sa ville maîtresse, son C&T, ou ses potes, il quitte tous ces endroits où il était un de ceux qui ont atteint ce précieux statut, ceux qu’on « les habitués ». Il quitte toutes ces places to be. Toutes ses places to be.
Quand ce même Lillois arrive sur Paris, parce qu’il a beau y avoir vécu mais que c’était il y a plus de six mois, il est un peu à la fois rien et personne. Aussi est-il nécessaire, primordial, vital même, de redevenir ici ce qu’il était là bas.
Comment repérer les places to be des attrape-beauf, attrape-touristes ou repaires de pétasses « m’as-tu vu » ? Rien de plus simple. Une terrasse vide entre 10.00 et 00.15 est une erreur. Si elle est emplie de gens qui portent des lunettes de soleil quand il fait moche, attention, cela ne veut rien dire. En revanche, si l’on voit plus de cheveux peroxydés que de mèches qui barrent le visage, ou de bijoux masculins que sur toute la Place Vendôme, on passe son chemin.
Idem, si on entend parler toutes sortes de langues étrangères (voire certaines dont on se demande si c’est pas un code inventé), cela ne veut pas forcément dire qu’il s’agit d’un bar à touristes. Parfois, les étrangers semblent mieux savoir que vous où il faut aller, où il faut être, et où il faut être vu.
Ne pas se fier au décor. Si ça vous semble trop hype pour être vrai, ne cherchez pas. Ça l’est. Qu’on arrête avec ces écrans plats qui passent Fashion TV toute la journée, pour l’amour du ciel. Il existe d’autres chaînes ! Si si…
Regarder la carte. De la petite brasserie, des bons vins sans prétention et des jolies fumeuses qui hésitent ? C’est bon signe. 9 € le verre de Chardonnay, des croque-monsieur au fois gras et des bermudas/bateaux/Ray Ban qui font la queue ? Je doute que vous souhaitiez en faire votre repaire.
Non, en fait, le meilleur moyen pour connaître les bouibouis bobos des habituels abonnés, c’est de voir si vous repérez les mêmes personnes plusieurs soirs de suite. De voir si ces personnes connaissent / parlent/ bisent / baisent le patron. Si c’est le cas, posez votre gros sac si beau mais si lourd, allumez un cigarette, et commandez. Vous l’avez mérité : la première mission est réussie.
Si le fait de repérer un joli bar potentiellement place to be, est une première étape ; il est dorénavant nécessaire de faire en sorte d’en être soi-même un coutumier reconnu comme tel. (parce que être là tous les jours sans que personne ne le constate, ou sans obtenir ce statut officiellement, à quoi bon, soyons sérieux…)
Pour cela, revenez sur la piste qui vous a amené à vous installer ici : le glitterati du lieu. Ces fameux qui connaissent / parlent / bisent / baisent le patron. Ce sont eux qui vous feront atteindre la caste tant convoitée. Approchez les, faîtes les venir à vous, faîtes-vous draguer. Là, idem, rien de plus simple.
Juste, évitez de flirter avec les membres de la même troupe. Les garçons, ça parle.
Passez la soirée à papillonner entre les garçons, faîtes et filez votre numéro, discutez, buvez, fumez. Restez spirituel et charmant. Personne ne veut d’une ravissante idiote ou d’un bourrin sans chic. N’oubliez pas le(s) serveur(s), ils sont votre meilleur appui. N’oubliez pas qu’ils peuvent feindre de ne pas vous avoir reconnu, ou cracher dans votre plat.
Aux douze coups de minuit, partez. Uniquement avec ceux avec lesquels vous êtes venus. Vous êtes en mission, pas en chasse.
Revenez le lendemain matin. Vers 13.30, doc. Lunettes de soleil sur le nez, et sourire aux lèvres. Commandez un grand crème. Allumez une cigarette. Voilà. Vous avez été vu le soir, le matin, en bonne compagnie, à quelques heures d’intervalles, souriant et la toujours la cigarette au bec. Vous êtes un habitué.