Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux

Publié le 31 octobre 2014 par Aniouchka
L’une des principales raisons pour lesquelles j’aime les thrillers psychologiques est ce paradoxal mélange, chez un seul et même personnage, entre le raisonnable et l’irrationnel, entre l’évident et le refoulé qui composent chaque être que nous sommes.  Je pourrais citer quelques exemples d’excellents thrillers psychologiques qui explorent avec cruauté et précision cette dualité, et j’ai d’ailleurs un titre à ajouter à cette liste : Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux. 
Cauchemar dans l’abîme de la mémoire  Le point de départ du roman est simple : Jean Malenc, journaliste mondain en vue, découvre un beau jour que sa femme et sa fille l’ont quitté sans laisser d’adresse. Plutôt prévisible pour cet homme frustré qui a raté sa vocation, devenir journaliste d’investigation. Jusqu’au jour où il reçoit d’étrange emails sans objets, avec toujours la même pièce jointe : la photo d’une forêt sombre et touffue sur laquelle se distingue une silhouette floue. Pour lui, sa femme et sa fille ont été enlevées. Avec le sentiment désagréable d’être suivi, il se lance alors sur leur piste dans un long périple qui le mène tout droit dans cette forêt inquiétante, porte d’entrée vers les sables mouvants de sa mémoire défaillante. 
Psychiatre et psychanalyste de formation, Jean-Baptiste Dethieux sait de quoi il parle et fait errer son personnage dans une atmosphère lourde et humide qui met rapidement mal à l’aise. Comme dans un cauchemar éveillé, Jean Malenc voit s’effondrer un à un tous les piliers qui soutenaient son existence : son couple, sa mémoire et ses certitudes. En altérant les capacités de discernement de son personnage, l’auteur brouille les pistes et fait monter peu à peu l’angoisse. Car il s’agit bien là d’une question de perception de la réalité : Jean et sa famille sont-ils vraiment menacés ou est-il en train de devenir fou ? 
Pour rendre plus puissante l’errance physique et mentale de son personnage, Jean-Baptiste Dethieux s’amuse à distordre le temps et l’espace dans un récit à la première personne qui semble sans queue ni tête. En vivant les événements à travers la vision (peut-être ?) biaisée de Jean, on ne sait plus que croire, et le réel devient vite menaçant. L'usage des métaphores de la noyade ou du brouillard renforcent ce sentiment général de pertes de repères. 
Au fur et à mesure des kilomètres qu’il me restait à parcourir et des aléas du temps oscillant entre soleil et ombre, entre éclaircies et averses, je tempérais toute l’intensité de mes affects pour y lire une peine plus douce mais tout aussi immense. Je ne voyais plus d’horizon… Mes yeux embués ne voyaient plus rien… J’avais le sentiment de me perdre dans une nuit sans fond, l’une de ces nuits outrageant la lumière du jour et laissant les êtres vivants dans le désarroi.

Dérangeant et angoissant, Renaissance est un thriller psychologique réussi qui plaira aux lecteurs qui aiment explorer les paradoxes et les défaillances de l’âme humaine. 
Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux, éditions Taurnada, 2014, 186 pages