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Les objets

Publié le 24 mai 2008 par Frédéric Romano
- Moi : Et quoi ? Tu as bazardé tous tes meubles !?
- Mon Frère : Ouais… tous !
- Moi : Mais enfin, pourquoi !?
- Mon Frère : Ho tu sais, les meubles, ce ne sont que des objets…

Les meubles, les téléphones portables, les CD, les télévisions, les réfrigérateurs, les ordinateurs, les lecteurs de musique, les carnets, les livres… ce ne sont que des objets. Avec le temps, les saisons, les dégâts de l’homme et ceux du monde, ils s’abîmeront. S’ils n’ont pas la chance et l’honneur de terminer archives, alors ils disparaîtront, comme moi, comme nous…

Les objets

J’ai oublié le câble d’alimentation de mon iPod au bureau mercredi soir et bien entendu la batterie était presque morte. Ses derniers soubresauts m’ont permis d’aller courir jeudi soir puis il a rendu l’âme. Comme je ne pouvais me résigner à passer tout le week-end sans musique pour sortir de chez moi, j’ai fouillé mon coffre et j’y ai retrouvé mon vieux lecteur Sony, un truc carré et argenté. Je n’avais aucune idée de ce qu’il y avait encore dessus. Je l’ai donc chargé et je l’ai allumé. Six cents morceaux et avec eux six cents souvenirs.

C’était en deux mille cinq et deux milles six, deux années charnières qui n’ont pas fini, encore aujourd’hui, de se consumer. C’était des moments de grâce, des expérimentations un peu grisantes soulignées par chaque morceau de musique que j’encodais dans mon lecteur gris. L’intégrale de U2 parce que j’avais commencé à m’approprier ce que j’aimais au détriment de ce que j’appréciais à travers mon frère. À mon grand étonnement, il y avait même un CD complet de David Guetta et quelques chansons de Mylène Farmer. C’était la période où je sortais le dimanche soir. Puis il y avait des morceaux de techno et de musique électronique un peu “flamande”. Ils viennent de mon premier petit copain. Le type faisait des études de pilote d’avion. Il était plus jeune que moi de quelques années et ça ne m’empêchait pas de jouer les gamins éperdus. J’avais même imaginé, moi qui tremble debout sur un bottin, de sauter en parachute avec lui, juste parce qu’il me l’avait demandé… enfin, si au moins il était revenu pour me rappeler qu’on devait sauter d’un avion… il m’a dit “à bientôt” mais je n’attends plus.

Il y en a eu d’autres après et les pistes de mon lecteur me le rappellent à chaque note. J’ai des souvenirs et des objets pour m’en rappeler mais malheureusement presque pas de sensations. Bien entendu certains ont compté plus que d’autres même si je voudrais leur donner à tous égale importance tant sur le coup j’y ai vraiment cru. Alors je me replonge dans les livres de l’époque, les notes et les images. Un gsm Nokia sur lequel je m’étais juré de ne jamais effacer une seule photo. Deux ans de ma vie en plus de trois cents clichés. Un carnet de note, quelques adresses et des numéros de téléphone que je ne composerai sans doute plus jamais. J’ai mis dans ces objets un peu de ma vie. Avec le temps, les saisons, les dégâts de l’homme et ceux du monde, ils s’abîmeront. S’il n’ont pas la chance et l’honneur de terminer archives, alors ils disparaîtront, comme moi, comme nous…

Sans doute les souvenirs éphémères sont plus intéressants encore. Ce furent des histoires courtes, mortes dans l’œuf mais des histoires tout de même. De la dernière en date, je pourrai me rappeler de son prénom vieillit, de son caractère tranché limite “hautain” mais adorablement taquin, de ses yeux verts remplis de vide, de ses énormes mains et de ses grosses baskets aux lacets colorés que secrètement je trouvais super “cool”. J’ai de lui une petite pub pour une pièce de théâtre, seule chose matérielle qui à coup sûr disparaîtra. Le plus étrange et le plus troublant, c’est sans doute l’odeur de mon propre shampoing qu’il a laissé sur un coussin bleu que je n’utilise jamais ailleurs que dans mon divan.

“Je pourrai me rappeler”. Si toutefois il s’agit un jour de choisir d’oublier certaines choses…


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