Le marchand de chansons

Publié le 05 novembre 2014 par Journalvernois

Encore ado je rendais visite,comme j’avais l’habitude de le faire, à nos voisins, deux célibataires surnommés Guèguè, c’était le patron et Pîtot son commis. Ils exploitaient une ferme mitoyenne avec la nôtre. Alors qu’on disait des banalités, qu’ils me taquinaient, on entend une voiture ralentir pour emprunter le chemin qui dessert les deux fermes. Qui que d’vale? dit le Guèguè. A peine une camionnette a t elle débouché au coin du bâtiment qu’il s’exclame: Ah yo le marchand d’chansons! J’avais bien reconnu la voiture d’un marchand de vin qui livrait chez mon oncle. Mais pourquoi le marchand de chansons? Pour ne pas paraître trop bête je n’ai pas osé demander. Ce n’est que plus tard que j’ai compris le sens de son expression si bien imagée. Pour celui qui a le « vin gai », abuser de la bouteille peut l’encourager à pousser la chansonnette. Mais pour celui qui a « mauvais vin » cela peut vite devenir une « autre chanson! C’est une petite anecdote, mais encore aujourd’hui il m’arrive de penser à cet épisode du marchand de chansons et à ses protagonistes.

Mais là où je veux en venir, c’est parler d’un métier disparu de nos campagnes, de celui qu’on appelait

LE MARCHAND DE VIN

Dans la plupart des fermes, des hameaux la boisson principale était le vin. C’était un vin ordinaire ne titrant guère que 9°, 9,5° Il se buvait pur ou coupé d’eau. Même les enfants avaient droit à quelques centilitres dans leur verre pour « rougir l’eau ». Cela peut faire sourire, mais je pense qu’un peu de vin n’est pas plus mauvais que du coca ou autres sodas et que cela n’a pas engendré plus d’alcooliques; dans mon entourage, du moins. Il n’était pas question d’aller acheter son vin dans un chai,une cave ou chez l’épicier; les grandes surfaces n’existaient pas. En plus on ne se déplaçait pas aussi aisément qu’aujourd’hui.
Ainsi chaque maison avait son fournisseur attitré. Le vin était livré en feuillette, un tonneau en bois d’une contenance d’environ 114 litres ,ou en quartaut d’environ 57 litres. Je dis environ car la capacité pouvait varier de quelques litres d’un tonneau à l’autre. C’était en fonction du nombre de personnes présentes à la maison Ce n’était pas la peine de l’appeler, d’ailleurs on n’avait pas le téléphone. Il passait régulièrement. Il connaissait à peu près le temps qu’il fallait à chacun de ses clients pour vider un fût. Pendant les travaux d’été il se buvait plus de vin, ses visites se rapprochaient. Dans certains endroits ça buvait sec, il passait très souvent . Dans notre cave il y avait toujours 2 ou 3 feuillettes, une « en perce », une vide, et parfois une en attente. Lors de son passage le marchand de vin sortait la feuillette vide et la remplaçait par une pleine. Il fallait le voir, revêtu de son tablier de cuir manier avec adresse et précaution ses fûts de plus de 130 kg pour les descendre de la voiture puis à la cave et les hisser sur leur support légèrement surélevé.
C’était le travail ou plutôt la corvée des enfants « d’aller au vin », c’est à dire de descendre à la cave remplir une bouteille ou un pichet avec le vin du tonneau mis en perce avec un robinet en bois.
Puis au cours des années, le nombre de personnes diminuant à la maison on ne prit plus que des quartauts. Mais cela devint encore trop. S’ils étaient entamés trop longtemps le vin finissait par piquer. On est passé aux caisses de 10 litres, les litres à étoiles consignés. C’était plus par habitude que par besoin et par amitié pour notre vieux livreur Puis la plupart de ces vendeurs de vin ambulants ont pris leur retraite. Les habitudes ont changé. La demande de vin livré à domicile a cessé et personne ne les a remplacés. Ainsi le métier de marchand de vin disparut

A bientôt

qui que d’vale ? qui descend ?
Ah yo Ah c’est