Qu’est-ce qu’il m’a pris ? D’où m’est venue cette inspiration fatale ? A cette heure, je n’en sais toujours rien et de toute manière il est trop tard pour changer quoi que ce soit.
La seule chose dont je sois certain, c’est que subitement j’ai eu envie de sucre, de manger quelque chose de sucré, genre bonbon ou autre, moi qui justement ne mange jamais de bonbon ou autre. A cet instant, appelons ça la fatalité, la seule sucrerie à portée de main s’avéra être un carambar. Au moins quarante ans écoulés depuis ma dernière mastication de ce caramel dur. Dégagé de son emballage de papier collant à la confiserie, j’enfournai la barre luisante dans mon bec, situation inconfortable quand on réalise mais un peu tard, que la taille de l’une ne s’adapte pas aux dimensions de l’autre. Grimaces, jeux de langue et de joues, finalement le carambar cède et ramollit un peu. La victoire semble à ma portée, ma physionomie tourne à la mimique de contentement quand se produit l’incident fatal.
Dans un dernier sursaut de résistance farouche, le caramel utilise son arme ultime digne des plus grands maîtres des dojos japonais. Sa dureté initiale se transforme en mollesse et ma victoire devient défaite, la sucrerie satanique profitant de son état malléable s’agrippe à l’une de mes fausses dents et la détache illico presto de son pivot. Surpris par cette réaction belliqueuse imprévue, je recrache le tout dans le creux de ma main. Au cœur de cette boue infâme, marronnasse et collante, un morceau de métal, genre débris d’avion tout crashé, révèle l’issue du combat. Caramba !
Me voilà condamné à prendre rendez-vous chez mon dentiste et à subir le doux roucoulement de sa roulette.