Magazine Journal intime

8 novembre 1914

Publié le 08 novembre 2014 par Christinedb

Devant Ypres 8 novembre 1914

Mon gros Robert, (le fils de Jules et Cécile, ndlr)

Merci de la bonne carte. Nous sommes à la veille d’un grand jour. Nous nous marchons sur les pieds les uns des autres : Français, belges, anglais, écossais avec leur jupe qui fait voir leurs genoux et le reste, africains… et le tout caressé par le bruit de 600 pièces de tout calibres qui ne cessent de cracher.

Comme je le disais à maman, c’est épouvantablement beau. J’ai à coté de moi des pièces de marine qui font bien plus de bruit au départ que celle des boches quand elles éclatent. Que doit-il se passer  là-bas quand ça éclate.

L’esprit est excellent, l’état sanitaire aussi. Les soldats du 37e jouaient hier au football avec des anglais, le soir je les ai vu au caboulot, chantant ensemble Faust, puis chacun y alla de son couplet en sa langue, car ils ne se comprenaient pas.

L’esprit est parfait, te dis-je surtout au 37e ou il n’y a que des braves, c’est au point qu’on ne sait qui récompenser.

Mais quels beaux types que ces anglais , propres, rasés de frais et surtout bien habillés, culotte de cheval serrée au genoux, veston serré à la taille et ajusté, pli sur le devant du pantalon. Il paraît qu’outre leur nourriture et leur solde qui est belle, ils sont blanchis, c’est à dire que quand leur linge ou leurs effets sont sales on leur remplace. Ils se battent bien, mais ils veulent pas que ça dure longtemps, deux ou 3 jours de tranchée, c’est un maximum, il faut alors le relever, car ça leur est égal de f….. le camp, quitte à laisser reprendre du terrain aux boches et à leur reprendre ensuite.

J’ai raconté à maman  différents épisodes de ma vie ici, tu constateras qu’en somme et quels que soient les malheurs qui nous entourent, on  acquiert une philosophie  qui, non seulement vous empêche d’y compatir mais même vous incite à toujours trouver un coté comique à la chose.

Est ce un bien ? je crois que oui, trop de sentimentalité ne me paraît pas nécessaire ici.

Vois tu ces gamins jouer au ballon par une belle canonnade !!! Et ne crois pas qu’il n’y a que des haricots là-dedans. Les éclopés hélas qui défilent prouvent le contraire.

Mais tout me semble bien marcher. On n’est pas encore arrivé à ce que j’appelle le summum de la jouissance, c’est à dire au moment de leur tirer dans le cul alors qu’aux avancées, ils s’écraseront "en eux" en se sauvant. Aujourd’hui je n’y comprends rien, ils ne répondent pas, ils se sont contentés d’envoyer hier soir sur Ypres, la belle petite ville belge devant laquelle nous sommes, 3 ou 4 obus qui ont incendié une partie de la ville.

Foutent ils le camp ou ménagent-ils leurs munitions ?

Nous verrons cela demain sans doute.

En attendant, je vais régler le menu de ma popote, ce qui devient difficile ici ou il n’existe plus grand chose et que ce pas grand chose est nécessaire aux exilés. Il m’arrive souvent d’en nourrir.

Allons mon gros, bon courage et continue à t’acquitter de ton devoir. Cela procure bien des satisfactions.

Je t’embrasse bien fort.

J.Druesne

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8 novembre 1914 (JMO du 37e RI)

A 6h du Matin, le régiment doit se porter pour 8h en réserve du groupe d'armées à 400m au Sud Ouest de Kaaistraat en formation de rassemblement largement ouverte

. Le rassemblement de la Brigade est couvert par la 1ere compagnie qui est envoyée à Kruistrasshock. Y passe là toute la journée et à 6h du soir il reçoit l'ordre de stationner  à Kraaistraat et fermes alentours.

Cartographie du 8 novembre 1914.


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