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Son bonheur, c'est la route (merci Daniel Darc)

Publié le 14 novembre 2014 par Paulo Lobo
On revient toujours sur les lieux de mémoire. La vie est marquée de grands et petits événements. De révolutions bouleversantes et de retournements de situations. De moments de doute et de grandes envolées lyriques. La vie est surtout faite de rencontres, de conversations et de partages. Tout cela s'engouffre et s'empile en nous, sans qu'on puisse vraiment faire le tri, confusément et inéluctablement, pour former un grand magma d'images et de sensations, plus ou moins conscientes, plus ou moins graphiques. Il y a tout ce dont on se souvient clairement. Des années plus tard, on arrive encore à retrouver la trace d'un épisode précis, d'un enchaînement de circonstances, d'un incident ou d'un accident. C'est là, dans notre boîte dure, et il suffit d'une touche tactile pour relancer le film. Evidemment, avec tous les téléphones et écrans mobiles qui pullulent et happent nos yeux, on est en général moins disponibles et moins aptes à plonger dans notre monde intérieur et et laisser notre esprit gambader librement. C'est un fait, on est beaucoup plus dans le réflexe de Pavlov que dans la réflexion de l'âme. Mais bon, avec un peu de sang-froid et de discipline, il est encore possible d'échapper au diktat des stimulus et de s'offrir quelques moments d'introspection véritable. Je pense. Il y a donc les souvenirs qui sont gravés dans notre tête et que l'on fait ressurgir aisément; et puis il y a aussi tout un tas d'autres choses, plus souterraines, plus enfouies, mais qui n'en sont pas moins structurantes pour notre organisme. Il suffit parfois d'un lieu, de sa lumière, de ses sons ou de ses arbres, pour que subitement rejaillisse en nous cette fulgurance du passé qui un jour nous a émus.Alors, je cherche la feuille morte, je la prends dans la main et je la regarde droit dans sa chlorophylle, je la regarde longtemps, j'essaie de m'y voir dedans, les nuages sont penchés eux aussi, le soleil est un astre qui brûle ceux qui s'approchent trop près, mais moi je l'évite, je fixe les nervures de la feuille au sol, je les interroge, je tente de les déchiffrer, elles restent muettes et mornes, semblent me défier, leur silence me blesse mais je m'y attendais, les miracles existent parfois, si on les attise un tant soit peu, mais pas pour moi cette fois...Il a voulu marcher longtemps et sans but précis, dans les rues et dans les boulevards, rentrant parfois dans un café, buvant un verre ici ou là, pour repartir ensuite le coeur réchauffé. Les trottoirs insondables l'accompagnent fidèlement, il a mis en sourdine la conjugaison des verbes, le sens des mots, la destination des phrases, il s'abandonne au sillon du bitume, embarqué dans un voyage illusoire et intuitif, un voyage sans guide ni balisage, sans bagage, sans horloge, sans ancrage, juste une route, des routes, des gens, des inconnus, des visages... Petit à petit, il reprend espoir, parce qu'il comprend que son bonheur, ce n'est pas d'arriver, son bonheur, c'est la route.
Son bonheur, c'est la route (merci Daniel Darc)

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