Quand je me promène en forêt ou dans la campagne, je ne sais pas pourquoi mais je suis sans cesse à la recherche d’une branche tombée à terre pour en faire un bâton de marche. J’ai bien précisé que je me promenais, je ne suis pas dans le cadre d’une randonnée qui exigerait des efforts de marche important et qu’une canne à l’évidence pourrait soutenir.
Même quand je déambule dans le grand parc non loin de chez moi, je me suis surpris plus d’une fois à guetter les branches au sol. Bien sûr je m’interdis de le faire, j’aurais l’air malin à arpenter le parc appuyé sur cette canne rustique. Du coup pour contourner ce non-acte, je me contente d’une badine, souple et légère, ne pouvant remplir la même fonction mais m’occupant les mains néanmoins. A défaut d’être un pèlerin sur le Chemin, je suis une pâle imitation du gentleman-farmer arpentant ses terres, l’air dégagé.
Peut-être que cette quête du bâton est-elle une résurgence d’un geste atavique quand l’homme au contact de la nature, prenant conscience de sa petitesse, préférait avoir un bâton en main, outil multi-usages pouvant servir de canne durant l’effort mais aussi d’arme en cas d’attaque inopinée par un animal ou un autre homme. Ce genre de bâton sert aussi à soulever des pierres sans y mettre les doigts qui pourraient entrer en contact malheureux avec une bestiole, type serpent ou scorpion, ou bien écarter de hautes herbes ou des ronces pour se frayer un chemin. En ces temps reculés, c’était le couteau-suisse de l’homme préhistorique.
Alors, ai-je conservé cette part des origines dans un recoin de mon cerveau reptilien, toujours est-il que promenade égale bâton, encore un truc qui agace ma femme. Mais il y a tellement de trucs qui l’agacent en moi que je continue à marcher sans me retourner. Le bâton à la main.