Te souviens-tu de moi ?
Cela fait si longtemps n’est ce pas ?
T’as pas changé.
Merci, toi aussi.
Si si, c’est vrai, ce n’est pas un compliment.
On reste dans l’instant, seulement ce court présent, plus de questions s’il te plaît, ok ?
Bien sur, je comprends, enfin je pense que ça me convient aussi, même si ce présent ne me semble pas aussi court que ça, je lui di ! Elle sourie, joue avec une mèche de ces cheveux, trente ans après ces manières n’ont pas changé aussi. Sans se mettre d’accords nous frayons cote à cote un chemin sur ce trottoir bien dense pour cette chaude après midi et nous nous dirigeâmes ensemble vers les quais. Elle connaissait bien le chemin, moi aussi, c’était le quartier de notre adolescence. Au bord du canal, nous avons enlevé nos chaussures mis les pieds dans l’eau et nous nous essayâmes, comme trente ans en arrière. Il a fait si chaud aujourd’hui, je lui dis, question de réamorcer la conversation, de mettre fin au silence et de provoquer une réaction en elle, elle si calme comme toujours. Elle me regarde, ouvre son sac, tire quelque chose reliée à des fils, me fixe un truc dans l’oreille droite, se met l’autre dans sa gauche et je commence à entendre sa voix enregistrée dans son lecteur mp3…Elle chantait de très beaux poèmes, des paroles qu’elle a écrite et édité, je ne l’ai jamais su, jusqu'à ce moment, ici, et après l’avoir perdu de vue trente ans durant.
Maintenant qu’elle est repartie, je pense que si par moment la vie semble si légère, c’est grâce à des moments pareils, à ces instants sincères vécus profondément et ayant marqué notre vie. C’était la fille du receveur des finances, une famille habituée aux déménagements fréquents…