Magazine Journal intime

Le pickpocket

Publié le 25 novembre 2014 par Stella

pickpocket

Dimanche matin, mue par la nécessité, j'ai dû aller faire quelques courses au marché de la place Monge. Le lieu est plaisant, mais les heures de pointe y sont particulièrement pénibles et il est fréquent de devoir faire vingt, voire trente minutes de queue devant un commerçant, maraîchers en tête. Hélas, mon emploi du temps des jours précédents, qui m'avait emportée jusque dans la bonne ville de Besançon, avait vidé mon frigo et ma corbeille à fruits.

Je traînai donc ma fatigue jusque rue Mouffetard, où les prix du dimanche matin me découragèrent suffisamment pour que je pousse vers la foule de la place Monge. Là, je commençai mon calvaire, les meilleurs fournisseurs étant évidemment pris d'assaut à cette heure avancée de la matinée. Les allées étaient bondées et c'est en louvoyant avec mon panier à roulettes entre un landau et une mamie à cabas que l'homme me croisa. Il était vêtu d'un long manteau bleu façon loden assez chic, entrouvert sur un costume anthracite. Cheveux argentés clairsemés, visage avenant bref, quelqu'un que l'on ne remarque pas forcément, ou alors à qui l'on sourit pour s'excuser de le bousculer dans la foule.

Il aura fallu la grille de protection d'un arbre un peu brinqueballante pour que je baisse les yeux, juste à temps pour voir sa main habile se glisser à l'entrée de la poche de mon manteau, légèrement renflée. Je fis alors un mouvement vers l'arrière, comme pour le laisser passer devant moi, l'empêchant ainsi de se saisir de... mon téléphone. En effet, comme la plupart les femmes qui vont faire leurs courses au marché, je n'emporte pas de sac à main mais simplement mon portefeuille, mes clefs et éventuellement mon portable que je glisse dans mes poches.

Tout ce petit ballet a duré à peine quelques secondes, aussi ce monsieur bien mis n'avait-il probablement pas remarqué que j'avais vu - et compris - son geste. Si bien que lorsque je me suis mise dans la file d'attente du marchand de fruits et légumes, il s'est glissé juste derrière moi. C'est alors que je me suis retournée pour le regarder bien en face, tout en enfonçant ostensiblement mes mains dans mes poches. Instantanément, il comprit le message. Pour se donner une contenance, il attrapa un chou-fleur et fit mine de le soupeser, puis le reposa et en un éclair, se fondit dans la foule.

Difficile de dire quoi que ce soit, ou de prévenir les gens autour de moi. Finalement, il se s'était rien passé... Et pourtant... Je dois reconnaitre aussi que j'étais tellement étonnée en particulier par son apparence que je n'ai même pas pensé ne serait-ce qu'à lui dire clairement que je l'avais vu, histoire de lui faire un peu honte en public. Cette fois-ci, j'ai eu de la chance. Je crains juste qu'il n'ait fait d'autres victimes ce matin-là. Alors souvenez-vous, ami-e-s lectrices et lecteurs, que les pickpockets ne sont pas à l’œuvre uniquement dans le métro et, surtout, qu'ils ne ressemblent pas tous aux Rapetou !


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