Bureau du directeur, milieu d’après-midi
Ralf est de nouveau convoqué. Il attend à l’intérieur du bureau. La secrétaire l’a fait entrer. Un peu fébrile. Le directeur arrive. Ralf se lève immédiatement. Poignée de main ferme entre les deux hommes.
Le directeur
– Ah Ralf, je suis content de vous voir. Bon, il paraît que vous êtes un peu à côté de la plaque en ce moment. On m’a reporté des propos limites. Attention ! Ah, ah, oui, tous les murs ont des oreilles ici !
Ralf se tait, ne sachant que répondre. Il ne veut pas se compromettre.
Le directeur rit bruyamment et poursuit :
– Bon, un conseil : garder ça pour vous. C’est normal, vous savez, vous êtes jeune, c’est votre première fois. Vous êtes encore sur le choc. On est tous passer par là. Il faut bien faire son cuir. Mais la Nation vous accompagne et elle est fière de vous. Et elle le vous dit. Le président a décidé d’organiser une cérémonie spécialement pour vous. C’est un grand honneur pour toute la garnison.
– Merci Monsieur.
– Cela vous aidera pour fonder votre foyer ; il paraît que vous êtes fiancé ?
– Oui Monsieur.
– Vous verrez, ça va être bien plus facile de trouver un appartement. Je vous assure.
Vous pouvez disposer.
– Merci Monsieur.
Ralf sort.
Rue, à la sortie de la caserne, milieu d’après-midi
Elena est assise sur son vélo et attend Ralf. Il sort. Elle s’élance vers lui et crie : surprise ! Il sourit, heureux de la retrouver : en voilà, une jolie surprise ! Elle pose le pied à terre. Ils s’embrassent puis avancent côte à côte, main dans la main. Elena tient son vélo de la main gauche. Elle est habillée de manière très colorée et arbore un rouge à lèvres très rouge.
Ralf
– Tu es très belle. Ca te va bien toutes ces couleurs.
Elena
– Oui, tu as vu. C’est une nouvelle robe. Je l’ai bricolée avec les bouts de chiffon du grenier.
Ralf
– Ah, ah, tu m’épateras toujours !
Elena
– Ca s’est bien passé aujourd’hui ?
Ralf
– Oui, je vais avoir une médaille.
Elena
– Tu es content ?
Ralf
– Je n’ai pas le choix.
Elena
– En tout cas, moi, j’adore ton walkman. Ma préférée, c’est Billie Gin. J’arrête pas de l’écouter en boucle.
Ralf
– Parle moins fort Elena. Et puis, ce n’est pas Billie Gin mais Billie Jean.
– Je vois pas la différence.
– Ca te rend sourde ce walkman, oui.
Elena (elle sort le walkman, stoppe le vélo)
– Regarde, t’appuie sur Back, ça se remet en arrière. J’adore le petit bruit de rembobinage. T’entends ? Et puis, hop, sur le bouton Play et c’est reparti.
Ralf
– Tu devrais pas sortir ça en pleine rue.
– Oh, ne recommence pas à faire ton rabat joie ! Allez, viens, je sais ce qu’il te faut.
Elena remet le walkman dans son sac qu’elle tend à Ralf :
– Tiens, prends ça.
Puis, elle enfourche le vélo :
– Mets-toi à l’arrière, accroche-toi mon chéri et c’est parti.
Il se soumet à son ton autoritaire, il se pose sur le porte-bagage du vélo.
– Agrippe-toi à ma taille.
Il se serre contre elle. Elle s’élance dans la rue. Elle est forte et réussit à maintenir parfaitement l’équilibre. Les passants les regardent. Ralf pose sa tête contre le dos de sa douce. Vue sur les rues grises. Temps suspendu. Bonheur fragile qui ne tient qu’aux mollets musclés de la jeune fille. Mais Elena n’a pas dit son dernier mot. Elle se remet à parler, emportée par l’enthousiasme de leur descente en vélo à travers la ville.
– Mon frère m’a raconté l’histoire de la chanson. C’était une fan qui accusait Mickael Jackson d’être le père d’un de ses jumeaux. C’est drôle, non ? Comme si dans son ventre, il y avait aussi une frontière ! Comme si on pouvait dédoubler les pères !
– Elena tu dis n’importe quoi !
– La vérité, Ralf, c’est tout, la vérité ! Ah meeeeeerde !
Ils se scratchent tous deux contre une poubelle.