Douze mois

Publié le 28 novembre 2014 par Chapeauperuvien

Ma Victoria,

Aujourd’hui le mot « anniversaire » prend enfin tout son sens dans mon esprit. Moi qui adore les anniversaires, qui ai toujours vécu le mien comme le meilleur jour de l’année, entraînée par ma maman dans ce tourbillon de fête, parce que cette journée-là est une journée importante et qu’elle doit être fêtée dignement. Aujourd’hui je le vis différemment, je suis du même côté que ma maman et soudain je comprends. Je suis née le 14 mars. Tu es née le 28 novembre. Mais le 28 novembre 2013, c’est moi qui t’ai donné la vie, et cet incroyable moment restera gravé dans ma tête, et dans mon corps, ad vitam aeternam. Grâce à toi, cette année, je sais ce qu’est un anniversaire. Fêter la vie d’une personne, fêter sa naissance. Te fêter toi, mon bébé, qui rend le monde un peu plus heureux dès que tu lui offres un de ces sourires dont tu as le secret.

Il y a un an à cette heure-là, je comprenais qu’on y était, que c’était le jour J, lorsque je me suis surprise à hurler « Ohhh putaaaaain » en tapant et mordant mon oreiller toutes les dix puis toutes les cinq minutes. Ton papa est quand même parti travailler mais je lui ai vite envoyé un SMS qui disait « Je crois que tu ne vas pas travailler beaucoup aujourd’hui, doudou ».

Une de ses anciennes étudiantes et lectrice de ce blog m’avait questionnée quelques jours auparavant à propos de mon terme, et de l’endroit où j’allais accoucher, m’expliquant que son chéri d’amour y exerçait en tant que… Sage-femme, et était justement de garde le jour de mon terme.

Etant ponctuelle à la limite du psychorigide, tu es arrivée le jour prévu.
Quand j’ai entendu la grosse voix dans l’interphone du bloc maternité, j’ai pouffé de rire.
Ma sage-femme s’appelait donc Kévin.

La journée a été longue, mais j’ai « savouré » ces moments, comme je l’ai fait tout au long de la grossesse, car cette attente-là, quand on sait qu’il ne reste plus longtemps, plus longtemps du tout, c’est la meilleure. Excitante, insupportable et en même temps délicieuse.
Bon d’accord, je l’avoue, les contractions étaient loin d’être délicieuses, surtout quand la péridurale ne fonctionne qu’une heure et demi et qu’après il reste encore plus de trois heures avant la naissance.
Mais malgré ces onze heures de douleur, je crois que j’ai gardé le sourire jusqu’à la presque fin. Bien entourée, étrangement zen, je ne suis pas une illuminée hein, mais j’ai réussi à ne pas perdre une seule seconde de vue que tout ceci allait mener à toi, certainement la plus belle rencontre de ma vie. J’étais quand même venue là pour te rencontrer, toi, mon enfant, ma fille, et dans cette idée il n’y avait rien de négatif. Juste de quoi sourire et même pleurer de joie.
Ma petite soeur, ta Tata Poney, était pétrifiée d’avance à l’idée de me savoir souffrant, hurlant de douleur. Bon, en même temps, rien que d’entendre le mot « césarienne » elle tourne de l’oeil. Mais je l’ai rassurée en lui disant que les douleurs de l’accouchement ne pourraient sûrement jamais rivaliser avec la douleur psychologique d’avoir perdu un bébé, ou tout autre douleur qui te tord le coeur et te fait pleurer des litres de larmes pendant des semaines. Franchement ? J’étais heureuse de souffrir. Et tellement fière de moi après ! Je m’étais toujours moquée de la petite phrase « Continuez madame, c’est super ce que vous faites ! » dans les reportages sur des accouchements, ou dans Baby Boom. Mais j’avais sous-estimé le pouvoir de ces quelques mots, qui prononcés à ce moment précis, te redonnent l’énergie qui te manquait, te boostent et te rendent fière comme un paon.

Kévin ne t’as pas mise au monde, tu es née une heure et quarante-sept minutes après la fin de son service.

Tu n’es pas une petite fille qui pleure beaucoup. Tu souris, tu ris, tu pousses des cris de mouette d’enthousiasme, souvent, qui effraient parfois tes petits potes. Mais pleurer, à part pour des bonnes raisons ou quand vraiment tu es forcée d’exploiter le potentiel de ta tête de Chat Potté larmoyant, c’est rare. Tu as même oublié de pleurer quand tu es sortie de mon ventre ! Enfin ça c’était moins drôle.

Et voilà. Alors que j’ai l’impression que tu es née il y a trois semaines, douze mois se sont déjà écoulés. Une année profondément heureuse, une année de bonheur pur. Une année concentrée sur toi, toute petite personne qui refais la peinture dans ma tête, qui envoies valser toutes les années passées pour faire briller cette année-là, ta première année.  Heureusement que les photos existent car je ne réalise pas, je ne comprends pas, je ne peux croire qu’on en est déjà là. Avec toi on vit au jour le jour, profitant de chaque seconde, te regardant progresser, communiquer, jouer. Tu es une petite fille fascinante, et ce depuis les premières minutes de ta vie. J’ai toujours eu envie de claquer tous ceux qui disent qu’un bébé est inintéressant avant au moins six mois. Envie de leur répondre que même avant ta naissance, nous communiquions déjà. Ton papa dit que c’est parce qu’on s’est rencontré au département InfoCom de l’IUT.
Ça a dû jouer. Tu es un bébé Infocom.

Tu as tellement changé en un an, tellement progressé, tellement pris de centimètres et de grammes. Cette croissance fulgurante de la première année.
Ta nouvelle passion de faire des bisous à tout le monde, enfin surtout à ton doudou Souricette, ton petit Babar, ta poupée et ton copain Iskandar.
Ton petit index qui se pointe, curieux, vers à peu près tout ce qui t’entoure.
Tes premiers mots : « Papa », « Maman », « Coucou ! », « Babar », « Doudou », « Popi », « Lapin », « Bébé », « Tata »…
Te voir devenir câline, déjà savoir donner de l’affection à ceux qui t’entourent. Et te voir jouer à la poupée, prendre le bébé dans tes bras et lui donner le biberon en faisant « Sluuuuuurp », puis l’embrasser et le serrer contre toi. Comment ne pas craquer.

Et puis certaines choses restent.
La même impatience en voyant le biberon, qui te fait perdre tous tes moyens, te transforme de nouveau en cette petite loutre sauvage dont l’estomac crie famine très fort.
La même petite mimique, celle qui me fait fondre au plus haut point, quand tu tètes dans le vide dans ton sommeil ou quand tu aperçois Souricette et que tu es un peu fatiguée.
Cette même ponctualité, toujours, qui te vaut le surnom de « Jasmine » (si tu ne comprends pas cette référence, regarde Aladin !).

Tu es douce, et tu es drôle. Tu l’étais déjà dès tes premiers jours, tu l’es chaque jour un peu plus. Tu es aussi incroyablement observatrice, tu remarques chaque petit détail changé dans la décoration de l’appartement, chaque nouvelle boucle d’oreille que je porte…

Ma petite dinde à moi, née le jour de Thanksgiving. Je n’en finis pas de te dévorer de bisous. Tu as fait de moi une maman, tu m’apprends mon nouveau rôle chaque jour. Je me régale à le découvrir, et à t’apprendre par coeur, voir ton caractère se définir doucement, tes goûts s’affirmer tranquillement. J’ai hâte de tout vivre avec toi, de voir tes deux billes bleues s’émerveiller de l’univers entier. Je souhaite de tout coeur que tu sois une enfant aux yeux plein d’étoiles, une enfant curieuse de tout, une enfant qui rit à gorge déployée, une enfant jamais blasée, une enfant qui croque la vie à pleines dents.
Tu n’en as que cinq pour l’instant, mais tu es déjà sur la bonne voie.

Ces dernières semaines sont un peu éprouvantes pour nous, beaucoup de soucis se pointent au-dessus de nos têtes, comme de petits nuages gris prêts à lâcher leur pluie d’une minute à l’autre. Et puis tu es là. Et avec toi c’est différent, les nuages reculent, on en vient même à les oublier. Tu es un arc-en-ciel sur pattes, tu es ma paire de « Lunettes bleues, Lunettes roses ».

Si tu es arrivée au bout de ce roman, bravo ! Allez maintenant, viens vite souffler sur ta première bougie mon ange !

Je te souhaite le plus magique des anniversaires, je t’aime !


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