Je suis tout bonnement révolté ! Ce n'est pas la première fois qu'un fait divers me met hors de moi, mais les suites qui sont données à celui-là battent des records.
Vendredi 23 mai, un jeune ressortissant de la communauté des gens du voyage est interrogé, dans le cadre d'une procédure banalement commune, dans les locaux de la gendarmerie de Draguignan. Profitant d'un moment d'inattention de ses "geôliers" du moment, l'homme s'enfuit menottes aux mains.
Nous sommes en France au 21ème siècle, pas dans le Far West américain au 18ème. Les gendarmes de Draguignan ne sont pas des shérifs. On eût pu s'attendre, gens civilisés que nous sommes, à ce que la suite de l'histoire se déroulât de manière benoîte : poursuite du voleur par les gendarmes, avec possiblement des sommations et des cris, des bruits de bottes sur la chaussée, peut-être un véhicule volé et des sirènes hurlantes qui le poursuivissent... Dans le pire des cas, le voleur eût réussi à s'échapper, les gendarmes eussent été quelque peu l'objet de risées sous cape, et comme ce petit voleur n'avait de toute évidence rien d'un Jacques Mesrine, la société n'eût pas été plus que ça en danger, il n'eût pas été nécessaire à toutes les polices de France de lancer une chasse à l'homme, et comme ladite police de France est bien faite, il y a tout à parier que notre homme eût été rattrapé quelques jours plus tard, et que l'affaire n'eût finalement fait l'objet que de quelques lignes en troisième page dans la presse varoise.
Mais voilà, bonne gens ! Notre petit voleur n'a pas eu la chance de "tomber" sur un gendarme ordinaire. Ce gendarme-là, qui le poursuivit, avait-il une trop haute idée de sa mission ? Ou bien une trop mauvaise idée de son suspect ? Ou bien encore des gens du voyage en général ? Ou bien n'était-il pas "dans son état normal" ? Ou bien ... Ou bien ... Nul le sait encore et l'enquête est en cours. Toujours est-il que des coups de feu ont claqué ce vendredi dans une rue de Draguignan où un homme s'enfuyait en courant : pas moins de 7 coups de feu ! Et le petit voleur, père de trois enfants, s'est écroulé, touché à mort par 3 balles du gendarme zélé...
A ce stade, l'histoire ressemble déjà à un mauvais scénario, et malgré l'horreur que j'éprouve à l'idée de ce meurtre, il n'y a pas d'autre mot, je ne crois pas que j'aurais écrit un billet ici sur le sujet.
Mais ce n'est pas tout : notre gendarme assassin a été mis en examen ... pour "coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner", et ceci contre l'avis initial du procureur de la République qui, lui, avait bien ouvert une instruction pour homicide volontaire.
Quelle belle société que celle dans laquelle nous vivons ! Comme on peut être fier de cette démocratie exemplaire où tout respire la liberté et le respect du citoyen ! Comme on a raison d'appeler ça un état de droit !
Songez qu'aux termes du code pénal, et pour bénéficier de cette "circonstance atténuante" qu'est la légitime défense, il vous faudra, si vous y êtes confronté un jour, prouver (la charge de la preuve vous incombe) une proportion équilibrée entre l'arme que vous aurez employée et le danger représenté par votre agresseur. La légitime défense, ce n'est pas le droit de tuer bien sûr ! Si par exemple vous tirez au revolver sur un agresseur armé d'un couteau, adieu la légitime défense : vous êtes un meurtrier.
Notre gendarme de Draguignan, lui, n'a même pas besoin de la notion de légitime défense : il est gendarme, lui ! C'est là sa meilleure défense ! Pas même d'homicide, en ce qui le concerne : juste des coups involontairement mortels ! Sept coups de feu contre un individu sans arme et menotté, dont trois mortels, mais sans intention de donner la mort ! C'est tellement évident ! Et dire que des esprits chagrins vont sûrement dire le contraire...
Ca s'appelle le droit de tuer, et c'est inadmissible. Pas étonnant, même si on ne peut que condamner leurs exactions et la détérioration de biens d'autrui, que la famille de la victime se soit ensuite révoltée !