Magazine Journal intime

La vie ne fait pas de cadeaux

Publié le 14 juin 2007 par Mirabelle

Mon cher Victor, La vie ne fait pas de cadeaux
J'ai en charge le cadeau de la Fête des Pères dans la classe de CE1 où j'effectue mon SR3. La collègue-directrice que je remplace, était, semble-t-il, ravie de se débarrasser de cette corvée, m'affirmant qu'elle avait déjà "porté sa croix en faisant celui de la Fête des Mères". Bon. Sur le coup, aucun problème. Ah... Ce qui signifie que, finalement, il va y en avoir un... Hem hem... Oui. Légèrement.
La semaine dernière, plus exactement jeudi, débat animé dans la salle des maîtres. Deux camps : les enseignants qui font le cadeau de Fête des Pères en classe contre ceux qui ne le font pas. L'un revendique le côté sympathique et incontournable, l'autre rejette le caractère pétainiste et le sentiment de différence, d'injustice, de souffrance, qu'il crée inmanquablement chez les élèves vivant en famille d'accueil, ou dont le parent en question est décédé. C'est vrai que cela doit être particulièrement douloureux... C'est pourquoi j'ai trouvé cet argument très recevable. Surtout quand... Surtout ?
Surtout quand, présentant le magnifique dragon porte-crayon que nous allions réaliser avec les enfants vendredi dernier, j'annonce, grand sourire et enthousiasme dans la voix : "Ce sera pour la Fête des Papas !". Matteo vient alors me voir et me dit :" Mirabelle, ce sera pour mon papy parce que mon papa, il veut pas me voir." Argl. Je t'assure que quand un gamin te dit ça, Victor, tu te fais tout petit, tu peines pour trouver les mots et cacher combien tu es déstabilisé. Le pauvre petiot...
Même scénario aujourd'hui alors que nous peignons nos dragons. Réussis ? Euh... A vrai dire, ils ressemblent plus à d'immondes morceaux de pâte à modeler auto-durcissante qu'on a collés les uns sur les autres comme on a pu, un amas de plis et de bosses, qu'à un dragon. Mais enfin, les enfants sont ravis, c'est le principal. Non ! Le principal est que les PAPAS soient ravis ! Non, Victor... Le principal est que les papas soient ravis de voir leur enfant ravi ! Hem... Bref ! Ne jouons pas sur les mots ! Poursuis donc...

Je disons donc : même scénario aujourd'hui, tandis que nous peignons nos dragons. Alors qu'il admire son travail, Théo m'appelle : "Eeeeh, Mirabelle ! Eh ben, moi, je pourrai pas donner mon cadeau à Papa samedi. Il est à l'hôpital et Maman dit que j'ai pas le droit d'entrer dans la chambre...". Je ne trouve rien de plus intelligent à dire que de lui conseiller de le lui offrir quand il sera rétabli. Et ça fuse du côté des élèves : "Qu'est-ce qu'il a, ton père, Théoooo ?"."Je sais pas trop", répond celui-ci, "mais il a des tuyaux partout.". Gloups. Pas du tout choqué par ce qu'il vient d'entendre, chacun reprend son pinceau, sa peinture verte et son dragon, le coeur léger, le sourire aux lèvres. Tout le monde bavarde. J'en entends un qui chantonne. Un autre qui sifflote. Discrètement, évidemment, parce qu'on n'a pas le droit de chantonner ni de siffloter en classe.
Mais ouf... J'avais cru un instant que la gravité de la vie allait empoisonner mes mômes, trop tôt, trop vite.


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