La petite Espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs
et on ne prend pas seulement garde à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin
raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route
entre ses deux sœurs la petite espérance
S'avance.
Entre ses deux grandes sœurs.
Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a
de regard que pour les deux grandes sœurs.
Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.
Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
La petite, celle qui va encore à l'école.
Et qui marche.
Perdue dans les jupes de ses sœurs.
Et il croit volontiers que ce sont les deux grands
qui traînent la petite par la main.
Au milieu.
Entre les deux.
pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
Les aveugles, ils ne voient pas au contraire
Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs.
Et que sans elle elles ne seraient rien…
C'est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera.
La Charité n'aime que ce qui est. Et elle aime ce qui sera…
La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité.
L'Espérance voit ce qui sera. Dans le temps et pour l'éternité…
Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité même...
La Charité aime ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité.
Dieu et le prochain.
Comme la Foi voit. Dieu et la création.
Mais l'Espérance aime ce qui sera. Dans le temps et pour l'éternité…
Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité.
L'Espérance voit ce qui n'est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n'est pas encore et qui sera…
Dans le futur du temps et de l'éternité.
(Charles PEGUY – Le proche du mystère de la deuxième vertu)
Poesie