« Comment le splendide Simorgh apparut-il aux yeux vivants ?
Ce fut au royaume de Chine, un soir vers l’heure de minuit. Il envahit soudain le ciel. Nul ne l’avait encore vu. De son corps tomba une plume. Elle se posa sur le pays. […]
La plume de Simorgh était indescriptible. Sa forme et ses couleurs, à peine vues, changeaient. Chacun n’en perçut qu’un instant, un éclat, mais ce fut assez pour que les cœurs en soient épris. […]
Ce qu’on peut voir de cette plume ? Autant de vivants en ce monde, autant de ses métamorphoses, autant de contours, de couleurs, autant d’œuvres nées d’un regard, autant d’empreintes passagères de son incessante beauté.
Bref, dire plus m’est impossible. Oiseaux, il vous faut décider. Qui veut partir à la recherche de ce Roi que vous désirez ? Qui d’entre vous franchit le pas ? »
Farid-ud-Din ‘Attâr. La conférence des oiseaux (adapté par Henri Gougaud).
« Les oiseaux […] se retrouvèrent vivants dans la lumière de Simorgh. […] Ce qu’ils avaient fait, bien ou mal, jusqu’à cet instant sidérant fut effacé de leur mémoire. Au pur soleil de la Présence une âme nouvelle leur vint. Ils avaient vu dans le bas monde les mille reflets de Simorgh, ils virent tout soudain le monde qui dans Simorgh se reflétait. Tous les trente se regardèrent. Tous les trente virent Simorgh. […] Tous les trente étaient des oiseaux, et pourtant ils étaient Simorgh. […] Ils s’engloutirent dans un puits de perplexité. Ils ne savaient plus rien de rien. Ils demandèrent sans parole la révélation du Secret. « Toi », « moi », ces mots semblaient si simples ! Que voulaient-ils dire vraiment ? Le roi Simorgh leur répondit en silence :
– « Ce splendide et puissant soleil, là, devant vous, est un miroir. Qui s’en approche et le contemple voit son visage comme il est, son corps, son cœur, son âme aussi. Le reflet ne sait pas mentir. […] Vous avez longtemps cheminé, vous avez cru parfois vous perdre. Vous ne vous êtes pas quittés. C’est vous que vous avez trouvés. […] Entendez-Moi, je suis Simorgh, votre essentiel, votre infini. Anéantissez-vous en Moi, perdez-vous en Moi, simplement, sans crainte, délicieusement, en Moi découvrez-vous vivants !
En lui les oiseaux disparurent comme fait l’ombre en plein soleil. Tout au long de leur longue route ils s’étaient posé des questions. En ce lieu ne restait plus rien, […] ni discours, ni chercheur, ni guide, plus rien. Plus trace même de chemin. »
Farid-ud-Din ‘Attâr. La conférence des oiseaux (adapté par H Gougaud).
Si vous souhaitez découvrir cette œuvre qui dorénavant est tombée dans le domaine public, vous pourrez la lire ici :